Bébé tué en Cisjordanie: Israël ne parvient pas à contenir la colère

Deux jeunes manifestants palestiniens ont été tués vendredi en marge de manifestations qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes après la mort du bébé de 18 mois, tué la nuit précédente dans un incendie criminel imputé à des extrémistes israéliens. En Israël, responsables politiques et religieux condamnent l’attaque sur le village de Douma.

Avec notre correspondant à Jérusalem, Michel Paul

Un jeune palestinien âgé de 14 ans est mort ce samedi matin de ses blessures. Laith Khaldi avait été blessé par balle, vendredi. Selon un porte-parole de l’armée israélienne, les soldats ont « riposté » après qu’un « suspect palestinien eut lancé un cocktail Molotov en direction d’un poste militaire à Bir Zeit ».

Vendredi, Mohammed al Masri, un Palestinien de 17 ans, a lui aussi succombé à ses blessures. Il avait été touché par des tirs israéliens en marge d’une manifestation près de la frontière entre Gaza et Israël. Selon une porte-parole de l’armée israélienne, le jeune homme était parmi un groupe de manifestants qui ont jeté des pierres sur une barrière. Les soldats auraient alors visé « les membres inférieurs des suspects », assure l’armée israélienne.

Condamnations unanimes en Israël

La mort de ces deux adolescents intervient dans un contexte de tension extrême provoqué par la mort d’un bébé palestinien, brûlé vif dans l’incendie de sa maison, dans le village de Douma, près de Naplouse, suite à une attaque attribuée à des colons israéliens. Près de 3 000 personnes ont participé aux funérailles d'Ali Dawabcheh, âgé de 18 mois, qui a été enterré vendredi sans ses parents et son frère de 4 ans, toujours dans un état critique à l'hôpital. Quelques heures après la cérémonie, des milliers de Palestiniens sont donc descendus dans la rue pour réclamer « vengeance » et les manifestations ont parfois dégénéré en affrontements.

Le Premier ministre israélien a très vite réagi pour tenter de ramener le calme. Hier, Benyamin Netanyahu s’est entretenu par téléphone avec le président palestinien Mahmoud Abbas. « Il faut qu’ensemble nous luttions contre le terrorisme, quelle que soit son origine », a souligné le chef du gouvernement israélien, qui s’est également rendu au chevet de la famille Dawabcheh dans un hôpital proche de Tel Aviv.

Fait extrêmement rare, Benyamin Netanyahu a qualifié l’attaque d’« attentat terroriste » et le président israélien, Reuven Rivlin, a également condamné cette attaque qu’il a qualifiée de « crime odieux ». L’ensemble de la classe politique israélienne a dénoncé l’attentat tout comme - ce qui est beaucoup plus rare - les responsables religieux qui affirment que ces agissements sont « contraires à l’esprit du judaïsme ». Le président palestinien Mahmoud Abbas a pour sa part fait savoir qu'un nouveau dossier pour « crimes de guerre » serait envoyé dès ce samedi à la Cour pénale internationale (CPI).

Une enquête a été ouverte et les autorités israéliennes assurent tout mettre en œuvre pour retrouver les auteurs de l'incendie criminel de Douma. Mais jusqu'à présent, les responsables d'agressions contre des Palestiniens ou des Arabes israéliens ont très rarement été poursuivis en Israël.

Israël face à ses extrémistes

Ces « crimes de haine » se sont multipliés ces dernières années. Dans la plupart des cas dans la plus grande impunité, surtout lorsque les victimes sont des Palestiniens. Il y a cependant quelques exceptions : les assassins de Mohammad Abou Khdeir, l’adolescent palestinien de 16 ans brûlé vif en juillet 2014 ont été appréhendés. C’est le cas, aussi, des jeunes extrémistes qui ont incendié l’église de la Multiplication des pains à Tabgha dans le nord d'Israël et l’école bilingue de Jérusalem, le 18 juin dernier.

Quant à l’auteur de l’attaque homophobe de la Gay Pride de Jérusalem (six personnnes poignardées), Yishai Schlissel, il a été arrêté après avoir été libéré de prison en juin et dix ans exactement après avoir commis le même crime. Un commentateur souligne ainsi qu’« Israël a un gros problème avec les extrémistes juifs ».

Les colonies et les contradictions de Netanyahu

Cette situation met aussi à jour « une contradiction de plus en plus croissante » du Premier ministre israélien, juge Denis Charbit, professeur en sciences politiques à l’université ouverte d’Israël et auteur du livre Israël et ses paradoxes. Car en autorisant la construction de 300 nouveaux logements en Cisjordanie, celui-ci contribue au développement d’une colonisation qui ne fait qu’accroître les tensions.

La politique de Netanyahu, « souvent dictée par des pressions internes à son gouvernement et à sa coalition parlementaire, correspond aussi à son idéologie ». Une politique menée sur une ligne de crête très étroite : «[Benyamin Netanyahu] sait qu’il a la pression américaine et européenne, qui ont condamné la construction de ces 300 logements supplémentaires. Mais il a pris cette mesure consécutivement à la décision de la Cour suprême de détruire deux maisons illégales, qui avaient été bâties dans la même localité. »

Pour ce spécialiste de la politique israélienne,« il y a là une contradiction de plus en plus croissante entre la volonté de préserver des relations internationales aussi bonnes que possible et une politique qui remet en cause le processus de paix, au point mort depuis plus d’un an ». Pour Denis Charbit, le Premier ministre israélien est « sur la corde raide : parfois, il va condamner, comme il l’a fait pour l’attentat de ce 31 juillet, mais d’un autre côté, il restera fidèle à sa politique de poursuite de construction de logements en Cisjordanie. »

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