Difficile d'avoir des certitudes tant le culte du secret est une règle qu'il ne faut jamais braver en Syrie. Selon toute vraisemblance, une violente dispute aurait éclaté entre le directeur de la sécurité politique, Rustom Ghazalé, et le chef du renseignement militaire, Rafic Chéhadé.
Plusieurs explications circulent, mais la plus probable concerne le rôle du Hezbollah en Syrie. Le mouvement chiite libanais est venu prêter main-forte dès le début du conflit et c'est lui qui pilote la plupart des opérations contre l'opposition syrienne en armes. Un rôle et un poids de plus en plus grandissant que Rostam Ghazalé ne supportait plus.
Originaire de la province de Deraa, berceau de la révolte contre le régime syrien, Rostom Ghazalé était souvent aux premières lignes. Il était là lors de la récente offensive, qui a permis à l'armée loyaliste et à ses alliés libanais du Hezbollah de reprendre un certain nombre de localités dans cette région du sud de la Syrie, en janvier et février derniers. Des vidéos postées sur Youtube montrent Rostom Ghazalé superviser le dynamitage de sa somptueuse villa pour empêcher qu'elle ne tombe aux mains des rebelles.
C'est justement son rôle dans la bataille du sud syrien qui serait à l'origine de sa perte, souligne notre correspondant Paul Khalifeh. Son rival Rafic Chéhadé, chef des Services de renseignements militaires, se serait opposé à la présence de Ghazalé sur le front, à la tête d'unités militaires composées de ses partisans. Avec l'aval de certains milieux du régime, il aurait décidé de mettre fin brutalement à l'ascension de cet ambitieux général.
Bataille d'ego ou contrebande de mazout ?
On raconte que lors d'une réunion avec un des chefs du Hezbollah, l’homme aurait déclaré « sans nous, vous (le Hezbollah) vous n'existeriez pas », en refusant que le mouvement chiite installe son QG dans une de ses résidences à Deraa.Rafic Chéhadé voit rouge. Il décide de rendre visite au patron de la sécurité politique pour s'expliquer. Les gardes du corps de Chéhadé passent alors à tabac Rostam Ghazalé que beaucoup tiennent déjà pour mort. La version officielle affirme qu'il est toujours à l'hôpital.
Une autre version circule pour expliquer la bastonnade infligée à l'ancien chef de la sécurité politique. Des hommes de Rafic Chéhadé auraient intercepté des trafiquants qui se livraient à la contrebande de mazout avec des rebelles dans le sud de la Syrie. Il serait apparu qu’ils étaient liés à Rustom Ghazalé.
Il sera sans doute difficile de connaître les vraies raisons de cette disgrâce. Mais une chose est certaine, avec le limogeage de Rostom Ghazalé, le régime syrien perd l'une de ses dernières figures sunnites.