Massoumeh Ebtekar: Téhéran peut «envisager l’avenir» avec Washington

La vice-présidente iranienne Massoumeh Ebtekar, qui dirige également l’Organisation iranienne pour l’environnement est de passage à Paris. Au micro de RFI, elle évoque les négociations sur le nucléaire, le rôle de l’Iran dans sa région et les enjeux climatiques.

RFI : Mardi 3 mars, à Washington, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a critiqué la négociation en cours pour tenter de résoudre la crise du nucléaire iranien. Une partie du Congrès américain veut voter de nouvelles sanctions contre l’Iran. Diriez-vous que le président américain Barack Obama et le président iranien Hassan Rohani sont dans des situations comparables : sous la pression de ceux qui ne veulent pas d’un accord ?

Massoumeh Ebtekar : Bien sûr qu’en Iran, nous avons aussi des partis d’opposition qui s’expriment sur de nombreux sujets politiques. Mais je dirais que l’atmosphère générale est favorable aux progrès dans les négociations. Et les principaux groupes politiques sont d’accord pour dire que la direction actuellement prise est souhaitable et nécessaire. Il faut préciser que cet accord doit être juste et que le droit de la nation iranienne d’accéder à la technologie nucléaire doit être pris en compte. Et les sanctions, qui sont injustes et illégales, doivent être levées. La société iranienne et les principales formations politiques sont en accord avec ces grandes lignes. Les groupes radicaux existent dans chaque société. Et j’espère que Monsieur Obama sera lui aussi capable de résister à certaines pressions et aux tentations les plus extrémistes.

Vous avez fait partie du groupe d’étudiants iraniens qui ont détenu des citoyens américains de l’ambassade des Etats-Unis en 1979-80, lors de la Révolution islamique. Après avoir vécu un tel épisode, comment envisagez-vous un éventuel rapprochement entre l’Iran et les Etats-Unis ?

Comme vous l’avez rappelé, l’Iran et les Etats-Unis ont eu une histoire agitée. On pourrait remonter à 1953, quand le gouvernement américain est intervenu lors d’un coup d’Etat planifié contre le gouvernement iranien du Dr Mossadegh. Cela a ouvert une période très sombre dans la relation américano-iranienne, mais aussi une période difficile pour l’Iran devenue une dictature, avec son lot de souffrances.

Après la révolution islamique, les actions des étudiants qui suivaient la ligne de l’imam Khomeini faisaient référence à cet épisode entre les deux pays. Les étudiants, à l’époque, craignaient que l’Histoire ne se répète ! Aujourd’hui, je ne pense pas qu’il soit possible d’oublier le passé, mais il est possible d’envisager l’avenir, il est possible de chercher des solutions pour faire face aux défis que nous devons affronter pour résoudre les conflits actuels.

L’Iran joue un rôle très important dans la région. L’Iran peut fournir des solutions pour davantage de stabilité dans le golfe Persique, le Moyen-Orient. L’Iran possède une grande influence et des leviers dans la région. C’est pourquoi il faut trouver un accord. C’est ce que nous recherchons et j’espère que les autres gouvernements, y compris celui des Etats-Unis, avancent dans la même direction.

L’Iran et les Etats-Unis soutiennent le gouvernement irakien et ont un même ennemi, l’organisation Etat islamique. Confirmez-vous que des forces iraniennes et le général Soleimani de la force Al-Qods des Gardiens de la révolution sont actuellement impliqués dans la bataille pour reprendre la ville de Tikrit ?

Non, je ne suis pas en mesure de commenter ceci. Mais le peuple iranien s’est toujours tenu aux côtés du peuple irakien et de la nation irakienne. Nous collaborons dans des domaines nombreux et variés : pour la reconstruction de l’Irak, pour la paix et la sécurité, pour la résolution de certains conflits dans la zone. Je pense aussi que l’Iran a clairement la volonté de faire face avec fermeté à la menace que constituent certains groupes extrémistes. Ils se revendiquent de l’Etat islamique mais n’ont absolument rien à voir avec l’islam où les enseignements de l’islam. Ils s’accaparent le nom de l’islam et malheureusement ils en donnent, de par leurs actes, une image terriblement négative.

La COP21, la conférence internationale sur le climat, se déroulera à la fin de l’année à Paris. Y a-t-il un message spécifique de l’Iran concernant cet enjeu ?

Le message spécifique, c’est que l’Iran fait partie des pays qui subissent les dégâts provoqués par le changement climatique. Nous observons une augmentation des températures, une baisse des précipitations et une sécheresse qui dure depuis plusieurs années consécutives. Cela veut dire que nous ressentons très négativement les effets du changement climatique.

Dans les négociations sur le climat, qui sont très importantes, nous espérons que seront incluses les questions de l’adaptation au changement, ainsi que la question des compensations pour les dégâts et les pertes subies. Nous sommes impatients de travailler très étroitement avec la France sur ces questions. Au niveau bilatéral comme dans le cadre de la coopération internationale.

→ Retrouvez notre dossier spécial COP21 Paris 2015

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