Au rythme des slogans anti-Houthis, les manifestants se sont rendus jusqu’au domicile du président pour lui demander de ne pas démissionner. Les chiites, qui contrôlent désormais Sanaa, ont laissé les manifestations se dérouler, sans violences. Un convoi d’une dizaine de véhicules a même tenté d’évacuer des responsables politiques bloqués par les miliciens dans leurs résidences. Des rassemblements similaires ont eu lieu dans d’autres villes, à l’appel du mouvement du rejet.
Plusieurs combats s’entrecroisent en fait au Yémen et le déchirent. Un affrontement politique d’abord, entre les partisans du président Hadi et ceux de son prédécesseur Ali Abdallah Saleh. Mais surtout, la lutte des milices chiites houthies d'Ansaruallah venues du nord, qui ont donc pris la capitale de ce pays à majorité sunnite. Elles disent vouloir combattre les jihadistes d’al-Qaïda, qui possède des bases dans le Sud et dans l'Est.
Dans le Sud, le pays fait face à un mouvement séparatiste, qui a d'ailleurs pris le contrôle des postes de police de la ville d'Atak ce samedi. Enfin, autre danger, les jihadistes de l’organisation Etat islamique (EI) ont menacé à leur tour d’intervenir sur le territoire.
La situation de chaos est telle que les Etats-Unis ont suspendu samedi certaines de leurs opérations militaires. Alors que le Yémen est un pays-clé dans le dispositif de Washington contre le terrorisme.
■ Analyse : il y a un « risque mécanique d’un renforcement d’al-Qaïda au Yémen »
Le Yémen est déchiré entre la rébellion chiite, le mouvement séparatiste au sud et la progression d’al-Qaïda. Une progression qui pourrait se renforcer, explique David Rigoulet-Roze, chercheur à l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas), car l’affrontement confessionnel chiite-sunnite bouleverse les structures du pays, notamment le rôle des tribus.
« La situation yéménite a toujours été marquée par un tropisme tribal qui était historique, explique le chercheur. Le problème c’est qu’aujourd’hui ce tropisme tribal qui instaurait une forme d’équilibre interne semble largement dépassé par la polarisation confessionnelle. Avec une espèce d’affrontement potentiellement dévastateur entre la minorité chiite houthie représentée par Ansaruallah, très présente au Nord, et le reste de la population sunnite. Donc mécaniquement le risque c’est un renforcement des sunnites justement anti-chiites déclarés en l’occurrence al-Qaïda dans la péninsule arabique (Aqpa) voire Daech (le groupe EI), si Daech s’implante au Yémen. »
Aqpa peut finalement apparaitre comme le seul rempart de la population contre les Houthis et c’est là justement tout le problème pour les sunnites, poursuit David-Rigoulet-Roze : « La question va être posée pour les Saoudiens, parce que les Saoudiens ont évidemment très peur d’une prise de contrôle totale du Yémen par les chiites houthis. Et donc qui va pouvoir faire contrepoids au mouvement Ansaruallah chiite zaïdite ? On voit peu de possibilités et donc c’est ce qui explique le risque mécanique d’un renforcement d’al-Qaïda au Yémen. »