La mort de Ziad Abou Eïn peut avoir des conséquences politiques

Les funérailles de Ziad Abou Eïn ont eu lieu jeudi 11 décembre. Ce haut responsable palestinien est mort la veille près de Ramallah dans une altercation avec des soldats israéliens en Cisjordanie. Cette affaire a un peu plus tendu une situation déjà très sensible dans cette région. Le ministre israélien de la Défense a présenté des excuses. Le gouvernement israélien a décidé de renforcer la présence militaire en Cisjordanie. Michel Bôle-Richard est un ancien journaliste du «Monde». Spécialiste de cette région, il a répondu aux questions de RFI.

RFI : Des funérailles et un hommage officiel ont eu lieu dans les Territoires palestiniens, à Ramallah. Est-ce un signe fort ?

Michel Bôle-Richard : Evidemment que c’est un signe fort parce qu’il faut bien réagir à la mort d’un ministre palestinien. Celui-ci est mort dans des circonstances un peu douteuses, même s’il a vraisemblablement été victime d’une crise cardiaque, provoquée par des coups sous les gaz lacrymogènes et la prise à la gorge par un garde-frontières.

L’émotion est d’autant plus vive à Jérusalem et dans les territoires occupés que cela survient après tous les événements qui se sont produits au cours des dernières semaines sur l’esplanade des Mosquées, le mont du Temple comme l’appelle les Juifs. On a eu les résultats de l’autopsie, mais elle est contradictoire parce que les Israéliens disent qu’il est mort d’une crise cardiaque et les Palestiniens accusent le gouvernement israélien de crime. Ils estiment que la crise cardiaque a sans doute été provoquée par ce qui s’est passé lors de cette manifestation pacifique. Il n’y a pas eu de pierres lancées et le garde-frontières a saisi à la gorge le ministre palestinien.

Les images ont fait le tour du monde puisque l’altercation en question a été filmée. Impossible pour les autorités israéliennes de nier…

Impossible de nier. D’ailleurs, le ministre de la Défense a présenté ses excuses. Tout le monde réclame une enquête indépendante, mais l’enquête est déjà quasiment faite, puisqu’il est effectivement mort d’une crise cardiaque, car il avait les coronaires en très mauvais état. Mais cette crise cardiaque a été provoquée par la violente altercation qui s’est produite avec les garde-frontières et les soldats israéliens à côté de Ramallah.

Le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas disait mercredi que « toutes les options sont ouvertes ». Que cela signifie-t-il exactement ?

Cela veut dire concrètement que l’Autorité palestinienne menace – comme elle le fait depuis plusieurs mois   de rompre les accords de sécurité et la coopération sécuritaire que la police palestinienne effectue avec la police israélienne. Cette coopération a pour objectif de contrer le terrorisme, stabiliser les territoires occupés, la Cisjordanie. Mahmoud Abbas a clairement dit à plusieurs reprises qu’il souhaitait rompre ces accords sécuritaires. Ce qui serait quelque chose de très important et de très grave pour la situation sur place. S’il n’y a plus de coopération entre les polices israéliennes et les polices palestiniennes, la situation peut rapidement dégénérer en Cisjordanie.

La crainte porte-t-elle sur de nouveaux heurts, de nouvelles situations qui dégénèrent, en particulier des confrontations directes entre les jeunes Palestiniens et les forces armées israéliennes ?

Pour le moment, la situation est relativement calme si l’on peut dire en Cisjordanie, mais le feu couve à Jérusalem après tout ce qui s’est passé au cours des derniers mois : l’enlèvement des trois jeunes Israéliens ; leur mort ; l’enlèvement d'un jeune Palestinien qui a ensuite été brûlé vif ; la guerre à Gaza ; les incidents du mont du Temple, troisième lieu saint de l'islam, provoqués par la volonté des extrémistes israéliens de vouloir le reconquérir... L’événement qui s’est produit mercredi avec ce ministre palestinien ne fait donc qu’ajouter du feu au feu.

D’autant plus qu’Israël entre en campagne électorale. On voit des alliances qui se montent, les ministres centristes débarquer. Benyamin Netanyahu, d’un côté appelle les Palestiniens à calmer les choses, mais sur le plan de la politique intérieure il regarde toujours plus vers la droite…

Toujours plus vers la droite puisqu’en fait, les deux partis centristes de ce gouvernement représentés par Yaïr Lapid et Tzipi Livni ont été déchus de leur poste de ministres. Cela a provoqué une perte de majorité au sein de la Knesset et donc de nouvelles élections. Et ce qui se présente maintenant est très clair. Netanyahu a dit clairement qu’il allait faire alliance dans le prochain gouvernement avec les partis religieux. S’il est élu avec les partis d’extrême droite, on aura un gouvernement plus à droite que celui qui est tombé il y a quelques jours. A chaque élection, le gouvernement israélien est de plus en plus à droite. Donc les Israéliens ont devant eux un choix très clair. Ils savent très bien que maintenant, si Netanyahu remporte les élections avec sa coalition et les partis religieux, on va vers un affrontement. Tandis que, si c’est le parti de Tzipi Livni   qui a fait alliance avec les travaillistes   qui remporte les élections, ça peut inverser le cours des choses. Donc le choix est parfaitement clair pour les Israéliens. Et c’est à eux de décider.

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