Avec notre envoyé spécial à Gaza, Nicolas Ropert
Cette nuit, à Gaza, les bombardements israéliens étaient intenses. Il n'y a pas eu d'interruption des frappes. Plusieurs régions ont été touchées, notamment le sud et la côte. Au moins cinq personnes ont été tuées dans la ville de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza.
Sur les lieux des frappes, mêmes scènes s'y répètent inlassablement : des immeubles entiers sont dévastés, des façades arrachées. Les dégâts sont souvent très impressionnants. Il ne reste, par exemple plus que le rez-de-chaussée d'un immeuble de 13 étages dans la rue principale de la ville de Gaza. Un tas de poussière et de débris de plusieurs mètres de haut s'est formé à côté.
Les civils continuent à payer un lourd tribut à l'opération. Les déplacés ne savent plus où aller. Une école de l'ONU qui abritait 300 personnes a été frappée dans le centre, tuant quatre personnes et en blessant une dizaine d'autres. L'agence des Nations unies à Gaza a dénoncé ces bombardements, et demandé l'ouverture d'une enquête.
« On est sortis juste à temps »
Effet des bombardements israéliens : le nombre de déplacés a atteint 100 000, affirme l'ONU. Certains sont installés dans des écoles, d'autres ont investi les abords des hôpitaux.
Le propriétaire d’un entrepôt de la rue principale de Gaza fait les cent pas sur ce qu'il reste de son bâtiment. Mardi matin, son immeuble a été frappé par un missile israélien. Des couches pour bébés, des sacs de riz et des boîtes de conserve jonchent le sol. « Je ne comprends pas pourquoi ils ont bombardé ici, explique-t-il. C'est très calme ici normalement. Une partie de la famille s'était déjà installée chez nous. On est sortis juste à temps pour éviter cette frappe. Tout est détruit, on a tout perdu. »
Il ne sait pas où il dormira ce soir. Mais il espère trouver une meilleure solution que Omriad Abou Tawila. Cette grand-mère, assise sur une paillasse aux abords de l'hôpital Al-Shifa, le plus grand de Gaza, raconte : « Cela fait six jours que nous sommes installés devant cet hôpital. Nous sommes en pleine rue. Nous n'avons aucune intimité alors même qu'il y a des filles. On est juste à côté de déchets, il y a de l'eau qui coule partout. Nos conditions de vie sont vraiment misérables. »
Omriad et sa famille avaient choisi l'hôpital, pensant qu'il s'agissait d'un lieu sûr. Mais lundi, un établissement similaire - l'hôpital Al-Aqsa - a été frappé par un raid de l’armée israélienne dans le centre la bande de Gaza, causant cinq morts.
Plus de place pour les blessés
Au service des urgences de l'hôpital Al-Shifa, on ne peut plus accueillir de nouveaux blessés. Ayman Al-Sahabani, le directeur de l’hôpital, raconte sa détresse et appelle à une fin immédiate des combats : « Combien de temps encore pourrons-nous sauver des vies de victimes ? Je ne sais pas. Je n’en ai aucune idée. Peut-être pour un jour de plus. Nous recevons tellement de blessés. Et les bombardements ne s'arrêtent jamais. Combien de temps cela va durer ? Nous espérons un cessez-le-feu maintenant. Pas demain. Immédiatement, afin de sauver des victimes innocentes. »
En attendant une hypothétique trêve, Ayman Al-Sahabani se mobilise pour ravitailler son établissement. Mais il pourrait être déjà trop tard : « Déjà avant l'opération israélienne, l’hôpital manquait de la moitié de médicaments et d’équipements médicaux. Dès les premiers jours de l'opération, j'ai envoyé des messages au ministère de la Santé et au monde entier pour qu'ils nous envoient ce dont nous avions besoin. Les demandes sont énormes car le nombre de victimes augmente toujours. Mais nous n'avons rien. Nous avons atteint la ligne rouge. Même dans l'hôpital, nous n'avons plus de place pour les blessés. »
Le quartier de Chajaya sous les bombes
A la lisière de Chajaya, à l’est de la ville de Gaza dévastée dimanche par Tsahal, - 70 personnes avaient été tuées, - et les pilonnages continuent.
Des habitants sont réunis au carrefour juste à l'entrée de ce quartier de Chajaya où des combats ont lieu, rapporte notre envoyé spécial, Nicolas Ropert. L'aviation israélienne poursuit les bombardements depuis son assaut dimanche contre cette zone. Les chars israéliens sont à proximité et engagent le feu contre des combattants palestiniens. On entend des explosions, toujours par deux.
Certains habitants parviennent quand même à s'approcher de la zone pour aller chercher quelques affaires. L'un d'eux remonte la rue et raconte avoir risqué sa vie, mais s'en être sorti. Il décrit des scènes de chaos. Des immeubles sans façades. Des débris partout dans les rues, tellement que parfois il faut enjamber des montagnes de gravât pour passer.
Une femme demande de l'aide. 6 membres de sa famille sont coincés à l'intérieur, dont son frère handicapé. Elle a pu les avoir au téléphone, mais la situation est critique. Impossible pour eux de sortir. Elle espérait beaucoup des camions de pompiers et des bulldozers. Ils étaient rassemblés à cet endroit prêt à intervenir, mais le danger est trop grand. L'armée israélienne pilonne toujours. Les habitants réclament une trêve pour voir nettoyer l'endroit et sortir les civils.
Poursuite des tirs du Hamas vers Israël
L'armée israélienne a, de son côté, confirmé la mort de deux de ses officiers, tués dans la nuit de mardi à mercredi. Cela porte le total de soldats israéliens tués à 29. De violents tirs ont eu lieu dans le Nord entre combattants palestiniens et chars israéliens. Un convoi de journalistes qui devait traverser la zone a été annulé : on s'attend à une réplique de la part de l'armée israélienne.
D'autant que mardi, les tirs de roquettes se sont poursuivis sur Israël, conduisant notamment à une suspension des vols internationaux vers Tel-Aviv. Pas moins de 200 ont été lancées ces dernières vingt-quatre heures. Le Hamas et les groupes combattants n'ont pas encore épuisé leur stock de missiles. Ils disposent encore d'une force de frappe et d'une organisation suffisantes pour nuire à l'Etat hébreu.