Avec notre envoyé spécial à Gaza, Daniel Vallot, et nos correspondants à New York et Washington, Karim Lebhour et Jean-Louis Pourtet
De lourdes détonations se faisaient entendre ce lundi matin dans la bande de Gaza : des tirs d’artillerie et des raids aériens, frappant sans doute le nord du territoire. Selon l’armée israélienne, des rampes de lancement de roquettes ont été touchées. La nuit avait pourtant été calme, pour la première fois depuis le début de l’offensive israélienne mardi 8 juillet. Elle n'a été marquée par aucun décès dans la bande de Gaza.
Dans la matinée en revanche, un Palestinien a été tué par l’armée israélienne dans des heurts à Hébron, en Cisjordanie. Vingt-trois Palestiniens ont par ailleurs été arrêtés dans ce territoire palestinien durant la nuit, dans le cadre de l’enquête sur l’enlèvement et le meurtre de trois jeunes israéliens le mois dernier, a déclaré Tsahal.
On est en tout cas loin des bombardements massifs qui étaient craints à Gaza en raison de l’ultimatum fixé dimanche 13 juillet aux habitants du nord de l'enclave. Israël semble marquer une pause dans les opérations militaires. Il est impossible de dire s’il s’agit d’un court répit avant une éventuelle opération au sol, ou au contraire si les autorités israéliennes ont réellement l’intention de calmer le jeu et de laisser la porte ouverte à une solution négociée et à la conclusion d’un cessez-le-feu.
17 000 Palestiniens ont fui le nord de Gaza
Les habitants de Gaza, eux, n'ont pas attendu de savoir. Des milliers de personnes ont quitté précipitamment dimanche matin leurs maisons, leurs appartements et leurs fermes. Selon les Nations unies, 17 000 Palestiniens environ ont quitté la région de Beit Lahiya pour se mettre à l’abri plus au sud. La plupart sont allés dans les localités de Jabalia et de Gaza, chez des proches ou des amis lorsque c’était possible.
Mais un grand nombre d’entre eux ont préféré trouver refuge, comme lors des précédentes opérations militaires israéliennes sur la bande de Gaza, dans les écoles de l’UNRWA, l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens. Cette évacuation et ces installations précaires se sont faites dans l’urgence et même dans la panique, les habitants craignant un bombardement massif dès l’expiration de l’ultimatum dimanche à midi.
Roquettes en provenance du Liban et de Syrie
Aux roquettes tirées depuis Gaza et contre lesquelles Tsahal réplique, s'ajoutent en outre des tirs en provenance du sud du Liban : l’armée israélienne a déclaré que « plusieurs roquettes avaient été tirées depuis le Liban sur la Galilée occidentale ». Israël a immédiatement riposté.
Une roquette tirée de Syrie est également tombée sur le plateau du Golan, sur une zone occupée par l’Etat hébreu, sans toutefois faire de victime. Là encore, l’armée a répliqué.
Abbas demande de« la protection des Nations unies »
Ces violences déclenchent des réactions très vives à l’étranger, chez les communautés qui se sentent concernées : ainsi plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées hier à Paris en soutien au peuple palestinien.
Les réactions ont également été diplomatiques, avec une lettre du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas au secrétaire général des Nations unies. Dans son message adressé à Ban Ki-moon, Mahmoud Abbas parle de « placer l’Etat de Palestine sous la protection des Nations unies », une mesure qui n’existe en fait pas dans le système onusien.
Le président de l’Autorité palestinienne le sait bien : même s’il ne le précise pas, il souhaite surtout une présence de l’ONU en Palestine, avec des observateurs ou des casques bleus. Il s’agit là d’une demande de longue date des Palestiniens, mais qui exige l’accord - très improbable - d’Israël et du Conseil de sécurité, donc des Etats-Unis.
L’objet de cette lettre est donc avant tout pour les Palestiniens d’annoncer leur intention de saisir toutes les instances internationales possibles sur le conflit à Gaza : le Conseil des droits de l’homme, la Convention de Genève et le Conseil de sécurité. La présidence palestinienne évoque également, sans la nommer, la Cour pénale internationale. Si les Palestiniens y adhèrent, ils auraient la possibilité de traduire Israël devant la justice internationale - une menace brandie à plusieurs reprises mais jamais mise à exécution.
Les Etats-Unis « prêts à aider » pour une cessation des hostilités
Autre réaction diplomatique à l’évolution de la situation dans les territoires palestiniens : l’entretien téléphonique qui s’est déroulé dimanche entre le secrétaire d’Etat américain John Kerry et le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu. Le département d’Etat américain a indiqué que John Kerry, qui se trouve à Vienne pour les négociations sur le nucléaire iranien, avait téléphoné dimanche à Benyamin Netanyahu pour réaffirmer que les Etats-Unis étaient prêts à aider pour parvenir à une cessation des hostilités.
Les diverses parties ont également plaidé leur cause dans les médias américains. Nombre d’intervenants ont souhaité un cessez-le-feu, comme l’a recommandé le Conseil de sécurité. Ce fut notamment le cas sur la chaîne CBS, où s’exprimait Rashid Areikat, le représentant palestinien à Washington.
Autre personnalité a avoir pris la parole dimanche : Martin Indyk, l’ancien émissaire américain au Proche-Orient. « Je pense que le président Obama et John Kerry souhaitent vivement un cessez-le-feu et sont prêts à faire ce qu’ils peuvent pour y parvenir, a indiqué le diplomate dans le New York Times, mais tant que le Hamas n’arrête pas ses tirs de roquette, il est difficile de savoir quand l’affrontement va s’arrêter. »
L'Iran blâme la communauté internationale pour son inaction
Sur NBC, le ministre des Affaires étrangères iranien Mohamad Javad Zarif, dont le gouvernement fournit en armes le Hamas, s’est refusé à condamner les tirs de roquettes, qu’il considère comme un « acte d’autodéfense ». Il a également blâmé la communauté internationale pour son inaction : « Les Etats-Unis et les autres membres du Conseil de sécurité ont la responsabilité morale et juridique de mettre fin à cette situation, et nous regrettons qu’ils n’aient rien fait. »
Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu, qui s’est également exprimé sur les chaînes de télévision américaines, n’a, lui, pas parlé d’un cessez-le-feu, et a déclaré qu’Israël gardait sur la table « toutes ses options ».