Ils n'avaient plus donné de nouvelles depuis juin dernier. Mercredi, le Quai d'Orsay ainsi que leurs familles ont officialisé l'enlèvement des deux reporters français, le journaliste Nicolas Hénin, 37 ans, et le photographe Pierre Torres, 29 ans. Le ministère précise que leur disparition remonte au 22 juin dernier.
Une preuve de vie
« Nous savons seulement que Nicolas et Pierre sont en vie », ont indiqué dans un communiqué, diffusé en même temps que celui du Quai d'Orsay, les familles et les proches des deux journalistes, qui ont fait état d'une « preuve de vie » qui leur a été communiquée par les autorités françaises en août. « Rien n'a été indiqué de leur lieu et conditions de détention », ont ajouté ces familles et ces proches.
Selon eux, les deux journalistes ont été enlevés dans la ville de Raqqa, dans le nord de la Syrie où « divers groupes armés se disputent le contrôle » de la localité. Mais « il n'y a pas de revendication connue à ce jour », précisent-ils. Un prêtre italien a également fait l'objet d'un rapt dans cette même zone.
Nicolas Hénin effectuait son cinquième séjour en Syrie, pays en guerre particulièrement risqué pour les journalistes. Il travaillait à un reportage pour le magazine Le Point ainsi que pour la chaîne de télévision Arte. Il couvre le Moyen-Orient et une partie du continent africain pour de nombreux médias occidentaux. Pierre Torres avait couvert la révolution libyenne, et s'était rendu en Syrie pour la seconde fois afin de couvrir des élections organisées par la ville de Raqqa.
L'information gardée secrète
Les familles des deux otages avaient souhaité que l'information sur leur enlèvement soit tenue secrète. « Nous avions évoqué cette éventualité. Et Nicolas nous avait bien dit qu'il considérait que garder le silence, c'était la meilleure solution à adopter dans ces circonstances, a expliqué le père de Nicolas, Pierre-Yves Hénin à RFI.
Mercredi matin, le père de Nicolas Hénin s’est adressé à son fils : « Tes enfants et leur maman se portent bien. Nous pensons beaucoup à toi, tes amis, ta famille, tout le monde en France. Fais le maximum pour que tu puisses bientôt nous retrouver ».
Dans ces situations délicates, la disparition n'est pas rendue publique dans l'immédiat, pour des raisons de sécurité des otages. Désormais, ce sont officiellement quatre journalistes français qui sont retenus captifs en Syrie depuis juin, après Didier François et Edouard Elias, enlevés peu avant, le 6 juin.
■ En Syrie, pour les journalistes, le danger est partout
Une quinzaine de journalistes étrangers sont portés disparus ou ont été enlevés en Syrie. Il devient désormais très compliqué pour la presse internationale de travailler dans ce pays en guerre depuis presque trois ans. Pour les journalistes le danger est partout.
D’abord, très peu de visas presse sont délivrés. Pour effectuer leur travail, les journalistes entrent souvent illégalement sur le territoire syrien. Bachar el-Assad a évoqué leur sort : s’ils sont arrêtés ils doivent être jugés puis emprisonnés. Le risque pour eux ? Passer plusieurs années dans les geôles du régime.
Ensuite, il y a les différents groupes rebelles. Jusque là, ils ont toléré la présence des journalistes étrangers, puis ont soudainement décidé de changer de stratégie. Désormais, certains se sont lancés dans le rapt de reporters. Dans le meilleur des cas, ces journalistes sont libérés contre le versement d’une rançon. Dans le pire, surtout si les preneurs d’otages sont affiliés à des groupes jihadistes ou à al-Qaïda, les journalistes peuvent être exécutés.
Et enfin, il y a les crimes crapuleux. La guerre a eu des conséquences désastreuses sur l’économie. Sans ressources, certains en Syrie se sont lancés dans le business du kidnapping. Les journalistes sont enlevés par des bandes de malfrats puis revendus comme l’a été le journaliste italien Domenico Quirico. Ils sont alors considérés comme de simples marchandises attribuées au plus offrant.