Avec notre correspondant à Beyrouth,
Ces jeunes auteurs, qu'ils soient scénaristes, producteurs, réalisateurs ou créateurs de plateforme de diffusion, ont exploré un domaine jusque-là inconnu au Liban et dans le monde arabe et ils en ont très vite saisi les enjeux et réalisé le potentiel. Ils ont fait, en quelque sorte, un pari, qui a de fortes chances d'être gagnant, vu le succès enregistré par les premières webséries qu'ils ont créées.
Katia Saleh, la pionnière
Cette productrice de documentaires formée en Grande-Bretagne a créé la première vraie websérie du Moyen-Orient. Shankaboot raconte l’histoire de Beyrouth et de ses habitants à travers les yeux d’un livreur, qui sillonne les rues de la capitale libanaise. La série parle de corruption, d'histoires de vengeances à cause des places de parking, de travailleurs étrangers ou de chirurgie esthétique.
Nadim Lahoud, âgé seulement de 23 ans, est la créatrice d'une autre série à succès. Mamnou3, qui signifie « interdit » en arabe, aborde, avec humeur, des sujets politiques, sociaux et religieux sensibles. L'action est supposée se passer dans les locaux de la Sûreté Générale, qui censure les scénarios de films et pièces de théâtre.
Encouragée par la réussite de sa première série, Katia Saleh a produit le programme Fasateen (robe en arabe), diffusé sur Yahoo Maktoub ! Deux millions de visites, sur une population de 4,5 millions de personnes. C'est impressionnant. Amin Dora lui, le réalisateur de Shankaboot, a obtenu en 2011 le Digital Emmy Awards.
Une véritable industrie de la websérie ?
À ce stade, il s'agit plus précisément, d'une industrie embryonnaire, promise à un bel avenir, et qui est susceptible de générer des chiffres d'affaires importants et d'être, par conséquent, créatrice d'emplois.
Les éléments d'une chaîne économique complète sont en train de se mettre en place : des maisons de production, comme la société Batouta films, fondée par Katia Saleh, ou encore des plateformes en lignes, comme CineMoz, créée par trois jeunes Libanais de moins de 30 ans. Cinemoz s’est lancé dans une plateforme exclusivement dédiée aux séries web, TVMoz.
Tous ces jeunes gens lorgnent vers le monde arabe, un marché de dizaines de millions de clients potentiels. Les Saoudiens, par exemple, sont parmi les plus gros consommateurs de vidéos sur Youtube au monde. Lorsque la dynamique sera enclenchée, la publicité suivra, D'ailleurs, certains gros annonceurs commencent déjà à s'intéresser à ce nouveau support.
Les webséries ont un impact culturel indéniable
La censure n'existe pas sur Internet au Liban. Aussi, des sujets encore considérés comme tabous dans le monde arabe, voire au Liban, sont abordés d'une manière plus osée. La sexualité, la liberté et les droits de la femme, la censure et ses déboires, le racisme, sont évoqués sans détours. Ils suscitent ensuite d'intenses débats sur les forums et les réseaux sociaux.
Cette dimension culturelle aura certainement une fonction pédagogique qui contribuera à promouvoir une plus grande ouverture des sociétés arabes.