Les sanctions au cœur du bras de fer entre Téhéran et les grandes puissances

De nouvelles discussions débutent ce mardi 26 février au Kazakhstan entre les grandes puissances et l’Iran. Les chances d’un accord sur le programme nucléaire iranien sont quasiment nulles, car les divergences entre Téhéran et le groupe 5+1 (les cinq pays du Conseil de sécurité plus l’Allemagne) paraissent insurmontables. Au cœur des discussions, les sanctions économiques infligées à l’Iran, qui pèsent de plus en plus lourdement sur le régime, mais aussi sur la population iranienne.

C’était l’espoir nourri par les diplomates américains et européens à l’origine du système de sanctions infligées à l’Iran : voir l’économie iranienne plier sous le double effet des contraintes bancaires et de l’embargo sur les produits pétroliers. En 2012, cet objectif semble avoir été largement atteint, et cela pour la première fois depuis que les premières sanctions ont été mises en place.

« Tous les indicateurs de l’économie iranienne sont dans le rouge », observe Fereydoun Khavand, maître de conférence à l’université Paris-V et spécialiste de l’Iran. « L’inflation réelle, pour les produits de première nécessité, va de 50 à 70%, le taux de croissance est très faible, voire négatif selon la Banque mondiale et le FMI, explique-t-il. Enfin, le rial iranien s’est effondré : sa valeur par rapport au dollar a été divisée par quatre en deux ans ».

Si l’économie iranienne est aujourd’hui au bord de l’effondrement, c’est en raison de problèmes structurels, et d’une gestion économique considérée comme calamiteuse y compris par une partie des dirigeants iraniens. Mais ce sont avant tout les sanctions qui sont à l’origine de ces difficultés : selon l’AIEA, l’Agence internationale de l’énergie atomique, ce sont quarante milliards de dollars de revenus pétroliers qui se sont envolés, en 2012, du fait de l’embargo imposé par les Etats-Unis et l’Europe.

Impact sanitaire

Pour la population iranienne, l’impact des sanctions est désormais écrasant. Inflation, quasi-récession, chômage, les classes populaires et les classes moyennes sont touchées de plein fouet par une situation économique désastreuse. En outre, bien que se limitant aux produits pétroliers et à certaines activités bancaires, les sanctions touchent en réalité tous les secteurs de l’économie iranienne. Dans une étude publiée par le centre de recherches américain Woodrow Wilson, le consultant Siamak Namazi dénonce ainsi les effets pervers des sanctions sur le système de santé iranien. « Le système de sanctions n’avait pas comme objectif de mettre en danger la santé des Iraniens, explique-t-il, mais il est clair qu’il a entraîné une pénurie de médicaments. Aujourd’hui, à cause de l’embargo pétrolier et des sanctions bancaires, l’Iran ne dispose plus que de yuans chinois, de roupies indiennes ou de wons coréens – or il est impossible, sans dollars et sans euros, d’acheter les produits des groupes pharmaceutiques occidentaux ».

Divisions au sommet de l’Etat

Au-delà des dérives du système de sanctions se pose la question de leur efficacité. Pour Aliakbar Moussavi, un ancien député iranien aujourd’hui réfugié aux Etats-Unis, les sanctions pourraient même avoir l’effet inverse que celui escompté par les pays occidentaux. « Plutôt que de peser sur le gouvernement, les sanctions pèsent sur le peuple, déplore-t-il. Ceux qui en souffrent en particulier, ce sont les classes moyennes. Or, ce sont elles qui sont censées défendre la démocratie et les droits de l'homme ».

Pour leurs détracteurs, les sanctions aideraient même le régime à se dédouaner de toute responsabilité dans les difficultés rencontrées par le pays. Reste la question de leur impact sur les dirigeants iraniens eux-mêmes. « Il semble qu’il y ait, à l’intérieur du régime, des partisans d’une plus grande souplesse à l’égard des grandes puissances et des pays voisins de l’Iran, explique Fereydoun Khavand. Mais il y a aujourd’hui une lutte d’influence qui oppose Ali Khamenei, le Guide de la révolution, et Mahmoud Ahmadinejad, le président iranien, et personne ne semble avoir l’autorité nécessaire pour prendre les décisions qui s’imposent dans le dossier du nucléaire ». Pour la plupart des observateurs, mais aussi des diplomates s’occupant des négociations, il est donc peu probable que l’Iran accepte de céder du terrain avant l’élection présidentielle qui aura lieu en juin prochain.

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