Un homme à poigne. C’est l’expression qui revient le plus souvent pour décrire le prince Nayef. Ministre de l’Intérieur depuis 36 ans, il s'est illustré dans la lutte contre al-Qaïda.
« C’est lui qui a relevé le défi d’éliminer la menace al-Qaïda qui, entre 2003 et 2005, avait fortement destabilisé le royaume », rappelle la politologue Fatiha Dazi Heni, spécialiste de la péninsule arabique. Il a donc été choisi, selon elle, pour ses compétences.
Mais le prince Nayef est aussi connu pour réprimer toute forme de contestation, comme récemment, les manifestations de femmes qui réclamaient le droit de conduire elles-mêmes leur voiture, ou le mouvement de révolte chiite dans l'est du royaume. Nayef aurait également été à l'origine de l'envoie de troupes saoudiennes à Bahrein pour aider à mater la contestation dans le pays.
Dans les milieux réformateurs et chez les défenseurs des droits, on s’inquiète de la désignation de cet « homme de fer » comme prince héritier. Certains craignent que cet ultra-conservateur, proche des milieux religieux, ne revienne sur les réformes, mêmes timides, entreprises par le roi Abdallah. Mais nombre d’experts estiment, au contraire, qu’à travers l'exercice du pouvoir, il pourrait se révéler plus pragmatique et plus souple.
Les Etats-Unis suivent de prêt la succession en Arabie Saoudite
La succession au sein du royaume est en tout cas suivie de près par les Etats-Unis qui ont envoyé une forte délégation à Riyad pour présenter les condoléances du peuple américain à la famille royale, après le décès du prince Sultan. La délégation était menée par le vice-président Joe Biden, preuve de l'importance des liens unissant Washington à Riyad.
Depuis 1945, les relations entre les deux pays sont scellées par un pacte consistant, pour les Etats-Unis à défendre la sécurité territoriale du royaume saoudien. En échange l’Arabie Saoudite leur offre un accès au pétrole du pays.
Mais plus récemment, les liens se sont encore renforcés. « Avec les révolutions arabes, les Etats-Unis sont attachés à ne pas perdre le soutien de la famille royale car ils savent que c'est un pilier sur lequel ils peuvent compter », analyse Barah Mikaël, chercheur à la Fondation pour les relations internationales et le dialogue extérieur. Nayef, c’est « Monsieur Sécurité et c’est vrai que dans le contexte du printemps arabe qui déstabilise beaucoup les dirigeants saoudiens, le fait de le nommer comme prince héritier sert un peu de caution », ajoute la politologue Fatiha Dazi Heni.
Interrogations sur l’état de santé du prince Nayef
L’Arabie Saoudite et les Etats-Unis ont aussi en commun leur animosité contre l’Iran et la volonté de contrer l’influence grandissante de ce pays dans la région. Selon Barah Mikaël, « les Etats-Unis et l’Arabie Saoudite ont donc beaucoup plus de choses à partager que de choses qui pourraient les séparer comme les accusations de soutien de l’Arabie Saoudite à certains groupes islamistes extrémistes ».
Reste une interrogation dans cette succession : l'état de santé du prince Nayef. Agé de 78 ans, il serait lui aussi souffrant. Selon les rumeurs, il pourrait être atteint d'un cancer comme son frère Sultan. S'il venait à succomber lui aussi, qui serait désigné comme héritier du royaume alors que le roi Abdallah est lui même très affaibli par la maladie ? On a vu ce dernier assister aux obsèques de Sultan, sur une chaise roulante, avec un masque chirurgical. Il a officiellement 87 ans, peut-être plus.
Le problème est que dans la dynastie des Saoud qui règne depuis toujours sur le royaume, la succession se fait entre frères et qu'ils sont tous âgés et malades. Mais pour l'instant, rien n'indique que la famille régnante est prête à laisser la place aux jeunes générations.