L’Alliance du Nord
Pour comprendre ce qu'ont fait ces hommes depuis 2001 et la chute des talibans, il faut remonter au début de leur engagement, et donc à la rencontre avec Massoud.
Aroun Mir est aujourd'hui politologue en Afghanistan, à l'époque il était étudiant en maîtrise de physique, mais il a tout abandonné pour rejoindre Massoud et devenir son aide de camp : « J'étais tellement ébloui par sa personnalité, par son caractère, son patriotisme que je n’ai pas pensé à mon avenir - la vie à l'époque en Afghanistan c'était très difficile, surtout après la chute de Kaboul. On n'avait pas tellement d'espoir mais en travaillant avec Massoud, je n’ai jamais eu peur de quoi que ce soit. » Et Aroun Mir de louer « ce leader visionnaire, le seul homme dans le pays à avoir une vision pour l'Afghanistan. »
Cette fascination pour Massoud est partagée par beaucoup de ces combattants qui ont aussi appris la politique avec lui, et ont donc tenu à jouer ensuite un rôle dans la vie de la cité. De fait, bon nombre d'entre eux sont entré dans le premier gouvernement du président Hamid Karzaï : « C’est quand même l’Alliance du Nord qui a libéré Kaboul bien avant que les troupes américaines n’arrivent sur le sol, donc on ne pouvait pas ne pas leur donner des postes de confiance », explique Françoise Causse, auteur du livre Quand la France préférait les talibans.
Mais petit à petit, Karzaï s’est débarrassé des éléments de l’Alliance du Nord pour remplacer ces Tadjiks par ceux de son ethnie, les Pachtounes.
Le Front national pour l’Afghanistan
Cela ne décourage pas pour autant les anciens de l’Alliance du Nord, qui créent un rassemblement d’opposition, le Front national pour l'Afghanistan, que soutient Wali Massoud lui-même, le frère du commandant Massoud. « Pour compenser l’absence de feu Massoud », explique-t-il, il fallait « que tout le monde monte à bord pour mettre en place les projets qu’il avait pour le futur de l’Afghanistan ».
Mais il le reconnaît lui-même, le parti n’a pas acquis la popularité espérée, et son candidat lors de la présidentielle de 2008, Abdullah Abdulah, a perdu après avoir récolté un peu plus de 30% des voix au premier tour – et jeté l’éponge avant le second devant l’étendue des fraudes.
Aroun Mir, qui a lui aussi tenté d’entrer en politique sans succès – il a été battu à la législative de 2010 – est assez dur pour ses anciens frères d’armes, parlant du Front national pour l’Afghanistan comme d’une « alliance de circonstance » : « Ils n’avaient pas de vision pour l’Afghanistan, c’est pour ça que cette alliance n’a pas pu tenir très longtemps », aujourd’hui certains restent dans l’opposition politique, d’autres sont repassés du côté de Karzaï. Et Aroun Mir de se désoler devant l’absence de leaders politiques pour le pays.
Mais malgré tout, les anciens de l’Alliance du Nord gardent un prestige certain au sein de la population, au-delà même des différences d’ethnies. Françoise Causse cite ainsi le succès des meetings d’Abdullah Abdullah en 2008 pour sa campagne présidentielle, ou encore le cas de cet autre ancien, Younes Khanouni, qui s’était présenté à Kaboul lors des dernières législatives, et pour qui les Afghans cherchaient à voter même en Province… « Khanouni c’était Massoud, et c’est pour lui qu’on veut voter ».