Pour la première fois, le discours de la communauté internationale exprime la même tonalité, celle de la préoccupation, voire de la condamnation à l'égard de la répression orchestrée par le régime syrien. L’intensification des interventions armées contre plusieurs villes ces derniers jours, a, semble-t-il, mis d'accord un grand nombre.
L'Union européenne a parlé de « massacre » en Syrie. Parmi les premiers à réagir, le président américain Barack Obama s'est dit « horrifié » par l'usage de la violence.
Alors que la Russie, alliée historique de la Syrie a, pour la première fois, critiqué le régime syrien en évoquant des «violences inadmissibles». Quant aux Brésil, l’Inde et l’Afrique du Sud, membres non permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, ils acceptent maintenant de discuter d’un texte de résolution.
« Les lignes ont clairement bougé, a convenu un responsable de l'ONU à l'issue de la réunion du Conseil de sécurité lundi 1er août, d'où aucun texte commun n'est sorti. Certains pays refusaient jusqu'à maintenant de s'asseoir autour de la table pour parler de la Syrie. C'est la première fois que le principe de négociations est accepté par tous. »
Jusqu'à maintenant, chaque partie agissait de manière unilatérale pour condamner le régime. L'Italie a rappelé, mardi, son ambassadeur à Damas avant de demander à ses partenaires européens de faire de même. Mais l'Union européenne privilégie les sanctions économiques, auxquelles elle a déjà eu recours à quatre reprises. Elle les a étendues ce mardi, en allongeant la liste des membres du régime soumis à un gel de leurs avoirs financiers et à une interdiction de voyage en Europe. Trente-quatre personnes sont désormais concernées.
Un consensus dans l'action encore introuvable
La nature de l'action à entreprendre pour faire plier le régime syrien est toujours l'objet de désaccord. Les Européens sont partisans de la fermeté. Ils souhaitent l'adoption d'une résolution, avec ou sans abstention, condamnant les violences. Mais la Russie et la Chine menacent toujours de brandir leur veto et refusent pour le moment de se prononcer sur une décision qu'ils considèrent comme de l'ingérence dans les affaires intérieures de leur allié stratégique syrien. Ils sont prêts, en revanche, à se prononcer en faveur d'une simple déclaration, requérant l'unanimité mais sans valeur contraignante.
Ce lundi 1er août, les Etats-Unis, la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne et le Portugal ont de nouveau mis sur la table le projet de résolution condamnant la répression qu'ils avaient déjà présenté en mai dernier.
Selon des sources diplomatiques, ce texte condamne les violations systématiques des droits de l'homme, exige la fin immédiate des violences et appelle les autorités syriennes à mettre en place des réformes politiques. Mais même s'il appelle Damas à ouvrir une enquête sur les violations des droits de l'homme et à juger les responsables d'attaques contre des manifestants pacifiques, il n'évoque pas la prise de sanctions ou une saisine de la Cour pénale internationale.
Les quinze membres du Conseil de sécurité tenteront pour la deuxième fois, ce mardi 2 août, de s'accorder sur une résolution formelle condamnant la répression qui a fait, selon les organisations des droits de l'homme, 1 600 morts civils depuis le 15 mars. A l'instigation de la France et de la Grande-Bretagne, une nouvelle version devrait être discutée. Il s'agira probablement d'une résolution a minima, c'est-à-dire non contraignante. Elle se contenterait de condamner le régime et d’appeler à une enquête, sans évoquer de sanctions.
La peur de l'incertitude
Au début du mois de juin, le Conseil de sécurité avait condamné les attaques contre les ambassades française et américainemais pas celles contre des civils. En cause: la position de la Chine, de la Russie, de l'Inde, de l'Afrique du sud et du Brésil qui considèrent qu'une première condamnation de ce type pourrait ouvrir la voie à une intervention armée.
Mais il s'agit-là d'une option catégoriquement rejetée par l'ensemble des parties. Tout le
monde a en tête le précédent libyen qui a ouvert une phase d'incertitude après le déclenchement des hostilités. Nul n'a intérêt à reproduire le même scénario dans une région aussi sensible et à intensifier le risque de guerre civile. Le spectre du conflit libyen plane sur les discussions. Mais les Américains ont réaffirmé, en réponse aux frilosités chinoise et russe, que la résolution qu'ils ont préparée avec les Européens n'était en rien comparable à celle qui a ouvert la voie à une intervention armée en Libye. L'ONU cherche avant tout à envoyer un message fort et uni au régime syrien pour à la fois montrer son isolement international et témoigner de son soutien envers les manifestants.
La mobilisation se poursuit malgré la répression
Sur le terrain, le bain de sang continue. Lundi 1er août, premier jour du mois de ramadan, la répression a fait 24 morts. Hama, ville symbole de la contestation a encore une fois payé un lourd tribut. La nouvelle attaque de l'armée y a causé la mort de dix civils juste après la prière de rupture du jeûne. Treize personnes ont péri à Albou Kamal, près de la frontière irakienne, à Zabadani, à la frontière libanaise, où les blindés ont également investi certains quartiers, à Homs dans le centre, à Madammieh et Erbin dans la banlieue de Damas et à Lattaquié, ville côtière. Le bilan des trois derniers jours s'élève désormais à 134 morts dont 90 à Hama, selon les organisations des droits de l'homme. Mais la mobilisation contre le régime ne faiblit pas non plus. «Syrian revolution 2011», la page Facebook du mouvement, appelle désormais à manifester après chaque prière de rupture du jeûne.