L’onde de choc des « Palestine papers »

La chaîne de télévision al-Jazira et le quotidien britannique The Guardian ont publié 1 600 documents retraçant une décennie de discussions israélo-palestiniennes. Les publications s'attachent principalement à mettre en lumière les contradictions entre les prises de positions publiques des négociateurs et ce qui se joue en coulisses. Ces « Palestine Papers » peuvent-ils avoir un effet sur la situation actuelle ?

Qu’apprend-t-on dans ces documents ?

Les fuites les plus commentées, et les plus polémiques, concernent les négociations entre Israéliens et Palestiniens dans les années 2007-2008. Dans la foulée de la Conférence d’Annapolis, l’Autorité palestinienne et son président Mahmoud Abbas mènent d’intenses discussions avec le Premier ministre israélien de l’époque Ehud Olmert et sa ministre des Affaires étrangères, Tzipi Livni.

Selon l’un des documents divulgués, les négociateurs palestiniens auraient alors accepté qu’au terme d’un accord de paix, Israël pourrait conserver toutes les colonies construites dans la partie orientale de Jérusalem, conquise en 1967. Toute sauf une : Har Homa, dans le sud de la ville.

Toujours selon les « Palestine Papers », les mêmes négociateurs palestiniens semblaient disposés à un geste historique concernant le droit au retour des réfugiés palestiniens (les 700 000 personnes ayant quitté leurs maisons et leurs terres en 1948 ainsi que leurs descendants, soit environ 5 millions de personne) : seuls quelques milliers d’entre eux seraient autorisés à s’installer dans les frontières actuelles d’Israël.

Parmi les autres « fuites », on apprend qu’en 2005 le ministre israélien de la Défense Shaul Mofaz avait demandé à ses interlocuteurs palestiniens de tuer un chef de groupe armé dans la bande de Gaza (finalement l’homme fut tué lors d’une opération israélienne). Enfin, les « Palestine Papers » rapportent qu’Israël avait averti les Palestiniens des préparatifs de l’opération « Plomb durci » contre le Hamas à Gaza. Mais que l’Autorité palestinienne avait alors refusé de reprendre le contrôle du territoire en cas de chute du Hamas « pas question de revenir à Gaza sur un char israélien » aurait alors déclaré le négociateur palestinien Saeb Erakat.

Comment réagissent les dirigeants palestiniens ?

« Un feuilleton ennuyeux » a raillé le président Mahmoud Abbas qui a ensuite réaffirmé la fermeté de ses positions : « Personne au monde ne peut nous obliger à renoncer à nos droits sur un mètre de notre terre, en particulier Jérusalem », a ainsi lancé le dirigeant palestinien.

Les responsables palestiniens ont vivement critiqué la chaîne al-Jazira pour cette série d’émissions, l’accusant de faire à la fois le jeu du Hamas et d’Israël. Des locaux utilisés par la chaîne du Qatar ont été vandalisés à Naplouse et à Ramallah. Toujours en Cisjordanie, des manifestants ont brûlé des photos de l'émir du Qatar cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani.

Comment réagit le Hamas ?

Le mouvement islamiste palestinien qui a fait sécession en 2007 voit dans ces fuites la confirmation de ses accusations envers l’Autorité palestinienne. Dans un communiqué rédigié conjointement avec le Jihad Islamique, le Hamas souligne la nécessité, selon lui, « de révoquer les négociateurs », ajoutant que l'Autorité palestinienne « n'était pas habilitée à parler au nom du peuple palestinien ». Toujours selon ce texte il faut « refonder l'Organisation de libération de la Palestine pour qu'elle soit une référence pour le peuple palestinien et arrêter les négociations ».

Quelles réactions en Israël ?

A gauche, beaucoup voient dans ces documents la preuve que les Palestiniens sont prêts à d’importantes concessions pour parvenir à la paix. A droite, le Ministre de l’Intérieur Avigdor Lieberman livre une toute autre analyse : selon lui, ces fuites montrent surtout qu’il est impossible de parvenir à un accord qui réglerait toutes les questions d’un coup. Le chef de la diplomatie plaide donc pour un « accord intérimaire », dont les Palestiniens ne veulent pas entendre parler pour l’instant.

Dans les prochains jours, un autre document devrait apporter un nouvel éclairage sur ces négociations passées : l’ancien Premier ministre Ehud Olmert (2006-2009) doit en effet publier un ouvrage dans lequel il raconte ses discussions avec les Palestiniens.
 

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