Une phrase qui tue son auteur présumé, le négociateur palestinien en chef, Saeb Erekat, s’affiche en exergue du site de la télévision du Qatar, Al-Jazeera : « Nous vous offrons la plus vaste Yerushalayim – Jérusalem en hébreu – de toute l’Histoire juive ». Des « mensonges » utilisés pour « créer la confusion », et qui ont bien évidemment fait immédiatement réagir l’intéressé. « Ce qui a été diffusé a été déformé et sorti de son contexte », a-t-il dit pour sa défense.
Une entreprise de liquidation de la cause palestinienne
Saeb Erekat assure que « s'il est nécessaire de publier tous les documents du département des négociations – les négociateurs palestiniens – le ferons ». Cela risque d’être nécessaire car si l’on en croit ces « papiers », en 2008, dans son offre concernant Jérusalem, Saeb Erekat aurait complètement mis à l’encan les résolutions onusiennes qui frappent d’illégalité les annexions israéliennes de la guerre de 1967. Il aurait même renoncé à réclamer la restitution de la plupart des extensions coloniales d’Israël à Jérusalem-Est.
Bien évidemment, les frères ennemis du Hamas se plaisent à jouer les effarouchés devant « ces documents secrets qui sont graves et montrent l'implication de l'Autorité
du Fatah – le parti de Mahmoud Abbas – dans les tentatives de liquidation de la cause palestinienne, en particulier sur le dossier de Jérusalem et des réfugiés ». De fait, les négociateurs palestiniens ont expliqué de longue date que l’une des solutions consisterait à obtenir des pays hôtes des réfugiés palestiniens qu’ils accordent leur nationalité à un nombre substantiel d’entre eux. Mais selon certains documents, ils auraient déjà placé la barre très bas en avançant le chiffre de 100 000 retours seulement sur un total d’environ 5 millions de réfugiés palestiniens.
Ces fuites révèlent aussi une collusion certaine entre l’Autorité palestinienne et Israël contre le Hamas. Forfaiture en forme de « secret de Polichinelle » selon les adversaires les plus résolus du Fatah à Gaza, l’Autorité palestinienne aurait même applaudit l’offensive militaire israélienne de fin 2009. De quoi décrédibiliser complètement l’Autorité qui siège à Ramallah où elle prétend faire reconnaitre unilatéralement un Etat palestinien en réponse au lâchage de l’administration Obama dont les bonnes résolutions n’ont pas résisté à la détermination israélienne.
Pour sa défense, l’Autorité palestinienne se répand en accusations diverses et variées, dénonçant notamment un coup monté par l’ennemi intime du président Abbas, Mohammad Dahlane, l’ancien maître tyrannique de la bande de Gaza jusqu’au coup de force du Hamas en 2007. En renfort, un autre négociateur palestinien, Yasser Abed Rabbo, accuse l'émir du Qatar cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani d'avoir donné son « feu vert » à une « campagne » contre l'Autorité palestinienne. Une « décision politique » qui aurait vu Al-Jazeera faire « un film » en se servant de « citations » mises sur la place publique par « un employé du département des négociations de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) », un proche de Dahlane.
Israël préfère se taire
Dans le même temps, le ministre palestinien des Affaires étrangère, Riyad al-Maliki, prête à Al-Jazeera la volonté « d'aider Israël à liquider l'Autorité palestinienne ». Al-Jazeera dit « que ce sont des documents palestiniens, alors qu'ils sont israéliens », assure de son côté le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Reste que face à la poursuite de la colonisation israélienne, sa patience s’est largement muée en impuissance. Pire encore, selon le Guardian britannique également dépositaire des documents, ces fuites « révèlent la mort lente du processus de paix au Moyen-Orient ».
Au final, la cartographie des concessions palestiniennes à Israël révélée par ces fuites est bien différente de celle que l’Autorité palestinienne défend officiellement. Et il sera difficile à Yasser Abed Rabbo de se suffire de sa première réponse selon laquelle « la carte qu’Al-Jazeera a présenté hier, comme s’il s’agissait de quelque chose de secret qu’elle révélait au public, est en fait une carte que nous avons publié dans nos journaux et que nous avons distribué ces deux dernières années à toutes les délégations qui ont visité ce pays ».
Pour sa part, Israël n’a pas souhaité réagir officiellement à cette affaire de fuites, et on comprend pourquoi tant l’examen de ces premiers documents semble surtout anéantir tout espoir d’une solution à deux Etats qui serait profitable à la partie palestinienne. Reste pour l’Autorité palestinienne à prouver qu’elle n’est pas une coquille vide en forme de fonds de commerce mais bien l’instrument de souveraineté financé par les bailleurs de fonds internationaux dans l’expectative d’un Etat palestinien viable et démocratique.