Egypte : après l'attentat, vive tension autour de l'église d'Alexandrie

Un début d'année endeuillé par un attentat en Egypte : 21 personnes ont été tuées et 43 blessées dans l'explosion d'une voiture piégée peu après minuit devant l'église des Saints à Alexandrie. L'attentat a « probablement » été commis par un kamikaze, selon le ministère égyptien de l'Intérieur. L'attaque n'a toujours pas été revendiquée, mais elle intervient deux mois après des menaces proférées par la branche irakienne d'al-Qaïda contre les coptes d'Egypte, la première communauté chrétienne du Moyen-Orient. Le chef de l'Etat Hosni Moubarak a appelé « les enfants d'Egypte, coptes et musulmans, à faire bloc face aux forces du terrorisme et à ceux qui veulent porter atteinte à la sécurité de la patrie, sa stabilité et à l'unité de ses enfants ». Ce samedi 1er janvier 2011, dans la matinée, des dizaines de chrétiens en colère ont manifesté devant l'église, en criant notamment « Où est le gouvernement? ».

Avec notre correspondant à Caire, Alexandre Buccianti

C’est tout simplement l’attentat le plus sanglant commis contre une église d’Egypte. Selon l’enquête préliminaire une forte charge placée dans une voiture garée devant l’église a explosé à minuit vingt, détruisant l’entrée de l’église et brisant les vitres des maisons alentour. Et cela juste au moment où les fidèles sortaient de l’église après la messe du réveillon.

Il s’agissait, très vraisemblablement, d’une bombe télécommandée et les auteurs de l’attentat devaient être près de l’église. Le ministre de l'Intérieur évoque un «probable» attentat suicide. Après l’effroi, l’émotion et les secours aux blessés, des jeunes chrétiens en colère ont voulu s’en prendre à une mosquée située en face de l’église. Ils ont été accueillis par des jets de pierre de la part de jeunes musulmans, les deux parties criant des slogans où il était question de se sacrifier pour la croix ou pour l’islam.

L’intervention des brigades antiémeutes a permis d’arrêter ce qui menaçait de se transformer en bataille rangée. Les forces de sécurité ont notamment utilisé des grenades lacrymogènes contre les manifestants chrétiens qui ont alors déversé leur colère contre la police. Le quartier de Sidi Bishr à l’est d’Alexandrie où est située l’église, avait connu de violents accrochages entre chrétiens et musulmans depuis deux ans et la tension continue à régner depuis lors. La piste d’al-Qaïda qui a menacé les églises d’Egypte il y a une dizaine de jours est la seule actuellement évoquée par les autorités.

La colère des chrétiens

Les chrétiens d’Egypte sont donc très en colère, notamment chez les coptes. Sortant de leur réserve et de leur prudence habituelle, les chrétiens s’en prennent ouvertement au gouvernement accusé de négligence.

La voiture piégée était, en effet, garée devant l’église alors qu’il est formellement interdit d’y laisser des véhicules depuis novembre, quand al-Qaïda avait menacé les églises d’Egypte pour la première fois. Des coptes réclament le limogeage immédiat du ministre de l’Intérieur « tout juste bon à falsifier les élections » peut-on lire sur des sites chrétiens. Des sites qui demandent au Pape Chénouda III l’annulation des festivités du Noël orthodoxe, le 7 janvier, en signe de protestation.

Même les proches du pouvoir comme le député nommé par le président Moubarak, Gamal Assaad n’arrivent pas à contenir leur colère. Ils demandent l’instauration de tribunaux militaires pour condamner rapidement et sévèrement les auteurs des attentats. « Il n’est plus question d’avoir des procès qui s’éternisent », a-t-il déclaré à la télévision étatique. Une allusion au procès des prévenus accusés d’avoir tué 7 personnes à l’arme automatique à la sortie d’une église de Haute-Egypte en janvier dernier. « Les belles paroles ne suffisent plus », a conclu le député.

 

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