De notre correspondant à Jérusalem
« Nous avons tenté de parvenir à un moratoire pour créer les conditions d'un retour à des négociations significatives et continues, a expliqué le porte-parole du département d’Etat américain ce mardi 7 décembre, avant d’admettre : après des efforts considérables, nous sommes parvenus à la conclusion que cela ne crée pas de fondation solide pour parvenir à l'objectif commun d'un accord cadre ». Traduction : Washington renonce à demander à Israël d’imposer un nouveau gel et cherche une autre méthode pour relancer les négociations.
A quoi à servi le premier moratoire ?
Pendant dix mois, jusqu’au 26 septembre 2010. Israël a observé un gel partiel de la construction de nouveaux logements dans les colonies de Cisjordanie (Jérusalem-Est n’était pas inclus). Les bâtiments publics n’étaient pas concernés, pas plus que les chantiers déjà lancés. Moratoire jugé insuffisant par les Palestiniens qui – sous la pression internationale – ont quand-même accepté de reprendre les discussions directes avec les Israéliens, le 2 septembre dernier. Après 3 séances de discussion (à Washington, Charm-El Cheikh et Jérusalem), les négociations se sont arrêtées lorsque l’Etat hébreu a annoncé qu’il reprenait la construction dans les colonies.
Pourquoi Israël refuse-t-il un nouveau gel ?
« L’administration Obama a fini par comprendre que le soutien qu’elle avait apporté à la pré-condition posée par les Palestiniens n’était pas justifié… et que c’était une erreur politique », explique Dany Dayan, président de Yesha, la principale organisation de colons israéliens. Des colons très mobilisés ces derniers mois contre un éventuel nouveau gel. Au sein de la coalition au pouvoir en Israël, l’idée d’un second moratoire faisait débat. Et même au Likoud, le parti du Premier ministre Benyamin Netanyahou, des voix se sont élevées pour rejeter la perspective d’un second moratoire. Pour tenter de convaincre les Israéliens, les Etats-Unis avaient mis sur la table une série de garanties de sécurité. Israël aurait ainsi reçu des avions furtifs F-35, et aurait obtenu l’assurance de voir l’allié américain opposer son veto à toute action diplomatique internationale jugée néfaste par l’Etat hébreu.
Comment réagissent les Palestiniens ?
L’annonce a des airs de douche froide pour les Palestiniens, qui ont campé ces derniers mois sur une ligne ferme : « pas de négociation à l’ombre des chantiers de colonisation », répétaient en substance les responsables de l’Autorité palestinienne. Le président Mahmoud Abbas parle d’une « crise grave ». Quand au négociateur Yasser Abed Rabbo, il explique : « Nous tiendrons compte de ce changement de la politique américaine pour déterminer si l'administration américaine, qui a échoué dans ses efforts une première fois, pourra parvenir à quelque chose à l'avenir ». Les dirigeants palestiniens vont désormais discuter avec les pays arabes de la conduite à adopter. La question centrale étant aujourd’hui celle de l’alternative aux négociations : les Palestiniens vont-ils se tourner vers les Etats-Unis et l’ONU pour demander une reconnaissance internationale de leur Etat dans les frontières de 1967 ? Un scénario régulièrement évoqué ces derniers mois, relancé récemment avec la reconnaissance par le Brésil et l’Argentine de l’Etat palestinien (dans ses frontières de 67) mais qui se heurte jusqu’à présent aux réticences des Occidentaux.
Que peuvent faire les Etats-Unis ?
Barack Obama a-t-il un Plan B ? Lui qui avait soulevé une vague d’optimisme avec son discours du Caire dans lequel il affirmait clairement que la colonisation devait cesser. A Washington, on abandonne l’idée d’un nouveau gel en préalable aux discussions mais on envisage déjà de recevoir des représentants israéliens et palestiniens dès la semaine prochaine.
L’administration Obama affirme opérer un changement de tactique mais pas d’objectif : l’idée est toujours de parvenir à un accord sur le statut final des territoires (une solution à deux Etats). « Nous allons immédiatement parler avec les deux parties des questions concrètes des négociations », assure le porte-parole du département d’Etat américain. Un chapitre s’achève : celui de la « négociation sur les conditions de la négociation ». Un autre commence et on en connait déjà les épineux chapitres : tracé des frontières, questions de sécurité, statut de Jérusalem et sort des réfugiés palestiniens.