Finalement, le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou n'a pas donné suite aux espoirs alimentés début septembre par sa présence à Washington à la table du président américain, Barack Obama, aux côtés du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Benjamin Netanyahu n'a pas jugé nécessaire de faire le geste qui aurait au moins permis aux Palestiniens de sauver la face en reprenant des négociations sans paraître cautionner la colonisation.
Des fondations comme fait accompli
En Israël, à l’approche du 26 septembre, les colons et les promoteurs trépignaient d’impatience. En un mois ce sont déjà quelque 600 nouveaux logements qui ont commencé à sortir de terre en Cisjordanie, dans une trentaine de colonies. Et comme l’explique à Nicolas Falez la responsable du mouvement israélien, « la Paix maintenant », Hagit Ofran : « ils travaillent très vite… et ils se concentrent sur la construction de fondations… Parce qu’ils présument qu’en cas de nouveau moratoire, les mêmes paramètres seront appliqués… à savoir : si vous avez déjà posé les fondations alors vous pouvez terminer la construction… »
Opposé à la colonisation, « la Paix maintenant » a mené l’enquête pour fournir des chiffres et Hagit Ofran a pu notamment constater, en Cisjordanie, qu’à « Kedoumim, à six kilomètres à l’ouest de Naplouse, environ 70 logements sont en chantiers… à Karmeitsur, à quelques kilomètres au nord d’Hébron, ce sont 56 logements… à Nerya, à l’ouest de Ramallah, la construction de 27 nouvelles maisons a démarré… Tout cela a été fait au cours des trois dernières semaines. »
Un Etat palestinien lourdement hypothéqué
Ces constructions sont illégales au regard des résolutions internationales. Les Israéliens invoquent les besoins en logement correspondant à l’essor démographique de leurs colonies et leur sécurité aussi. Pour les Palestiniens, cette frénésie immobilière participe d’un véritable travail de sape de leur projet d'Etat souverain.
A la Mission de la Palestine en France, Taghrid Senouar-Schwartz rappelle que « la prolongation du moratoire est une condition sine qua non de la reprise du processus de paix parce que on ne peut pas parler de paix et continuer à voler les terres des Palestiniens ».
Du point de vue palestinien, la colonisation immobilière recouvre un enjeu majeur, celui du statut final d’un Etat palestinien qu’ils redoutent de voir prendre la forme de « ghettos sans liens organiques entre eux comme c’est le cas sur le terrain en Cisjordanie à cause des colonies ».
Taghrid Senouar-Schwarz souligne que la colonisation obère gravement les frontières de 1967. Elle compromet aussi les espoirs palestiniens à l’égard de Jérusalem, capitale de plus en plus hypothétique compte tenu de « toutes les colonies implantées autour de la ville ».
Démolition de maisons palestiniennes
Taghrid Senouar Schwarz rappelle que « les colonies ainsi que le mur sont bâtis sur les nappes aquifères des territoires de Cisjordanie qui sont des territoires occupés et la colonisation s’accompagne d’autres mesures illégales comme la démolition de maisons palestiniennes, avec, comme dernier exemple en date, l’ordre de démolition de quatre maisons palestiniennes à Silwan, à Jérusalem-Est ».
La conseillère de la Mission de la Palestine en France relève aussi « la confiscation de terres appartenant à des Palestiniens, la révocation des droits de séjour de citoyens de Jérusalem… et puis la violence des colons, comme ceux qui empêchent les paysans palestiniens d’aller sur leurs terres pour la cueillette des olives ».
Au fil des années, 500 000 colons israéliens se sont installés en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, parmi quelque deux millions et demi de Palestiniens. Et le grignotage des territoires palestiniens va sans doute se poursuivre puisqu'au moins 13 000 permis de construire auraient été délivrés selon la responsable de « la Paix maintenant », Hagit Ofran. Et d’après elle, à défaut d’une nouvelle suspension de la colonisation, les colons «lanceront encore plus de chantiers dans les toutes prochaines semaines…Il y a tellement de projets qui ont été approuvés, certains depuis des années, que les colons disposent d’assez d’autorisations pour construire des centaines, voire des milliers de logements aujourd’hui».
Netanyahu mise sur l’échec d’Obama
La prolongation du moratoire aurait pourtant pu servir de pierre angulaire à l'accord de paix global souhaité par le président Obama. Un vœu pieux qui s’est évanoui avec la campagne de mi-mandat où Barack Obama recherche l’appui du lobby pro-israélien. Mais selon Taghrid Senouar Schwarz, « Benjamin Netanyahu mise très clairement sur cette date du 2 novembre parce que personne ne sait si Barack Obama va pouvoir garder la majorité au Congrès ».
Tandis que le Premier ministre israélien s’efforce de gagner du temps en comptant sur un changement de situation aux Etats-Unis qui priverait l’administration Obama de toute capacité de pression, l’Autorité palestinienne est confrontée de son côté aux difficultés croissantes que la colonisation israélienne impose à la population des territoires occupés.
A défaut de pouvoir compter sur l’appui de Washington et dans l’attente d’un arbitrage européen en sa faveur qui tarde à se concrétiser, Mahmoud Abbas reprend l’idée de déclaration unilatérale d’un Etat palestinien ou du moins celle d’un appel à reconnaissance lancé à l’Assemblée générale des Nations unies, sinon au Conseil de sécurité.