De notre correspondant à Jérusalem,
A la tribune des Nations unies, mercredi 22 septembre, Barack Obama a rappelé son engagement pour un accord de paix reposant sur le principe de « Deux Etats, Israël et la Palestine, vivant côte-à-côte dans la paix et la sécurité ». Pourtant cela fait dix-sept ans qu’Israéliens et Palestiniens se reconnaissent mutuellement et que l’on négocie la création d’un Etat palestinien qui n’a toujours pas vu le jour.
Alors des voix s’élèvent aujourd’hui pour proposer d'autres pistes de réflexion comme celle de Tzipi Hotovely, députée israélienne. Agée de 31 ans -c’est même la benjamine de la Knesset, le Parlement israélien-, elle est élue sous la bannière du Likoud, le parti de droite de l’actuel Premier ministre Benyamin Netanyahu. Pour elle, il est temps d'envisager un autre schéma car les positions des deux parties semblent irréconciliables : « Si l’on réfléchit à ces grandes questions, comme celle des réfugiés, celle de Jérusalem ou celle des frontières, si on considère que les Palestiniens veulent une Palestine sans un seul colon, sans un seul habitant juif, alors il faut commencer à tout repenser… Est-il possible de parvenir à un accord ? Je pense que non, car le maximum de ce que les Israéliens sont prêts à donner est en dessous du minimum que les Palestiniens sont prêts à accepter ».
Tzipi Hotolevy défend la colonisation en Cisjordanie. Elle s’oppose aussi à l’idée de diviser Jérusalem dont les Palestiniens revendiquent la partie orientale. Elle est contre le retour des réfugiés, contre un Etat palestinien mais se dit pourtant prête à intégrer les Palestiniens dans un Etat unique. Elle cite d’ailleurs en exemple la minorité arabe d’Israël, puisqu’il y a déjà un million et demi de citoyens arabes dans ce pays.
Des juifs minoritaires dans un Etat composé de deux peuples ?
La conséquence d’une intégration des Palestiniens à l’Etat d’Israël, n’est-ce pas un renversement démographique qui verrait les juifs devenir minoritaires dans leur Etat ?
Pour Tzipi Hotolevy, il n’est pas question d’intégrer Gaza et sa population. Elle ne parle que des Palestiniens de Cisjordanie et estime que son plan d’Etat unique n’a de sens que si les juifs restent majoritaires à hauteur de 70%...
Pour le reste, elle rejette l’argument selon lequel une telle solution créerait une situation d’apartheid entre citoyens juifs et arabes de cet Etat unique… Quelle que soit leur communauté, ils auraient égalité de droits et donc de devoirs : « Je parle d’égalité de droits : voter pour l’élection du Parlement, participer à la vie politique israélienne… Mais lorsque vous obtenez des droits vous recevez aussi des devoirs. Je veux vraiment demander aux Palestiniens qu’ils montrent leur volonté de faire partie de la nation. Ils doivent montrer leur intention sérieuse de faire partie de cet Etat unique. Je ne leur demanderai pas de faire l’armée mais je tiens à ce qu’ils fassent un service national. Pour moi c’est le ticket d’entrée dans une solution à un seul Etat pour qu’ils obtiennent l’égalité de droits ».
Tzipi Hotolevy précise qu’elle ne veut pas d’un Etat binational. Elle veut un Etat juif mais qui intègre une large minorité arabe et assure que son idée gagne du terrain en Israël. Elle cite le président du Parlement, Reuven Rivlin, ou l’ancien ministre de la Défense Moshe Arens comme partisans de cette idée.
Côté palestinien aussi, certains défendent cette idée d’un seul Etat pour Israël et les Palestiniens
Un récent sondage montre que 30 % des Palestiniens interrogés ne croient plus en une solution à deux Etats… Ce n’est pas la majorité mais c’est beaucoup plus qu’il y a dix ou quinze ans explique Fayçal Awartany, politologue palestinien de Ramallah. Selon lui, la situation sur le terrain et les années de négociations sans résultats ont fait évoluer l’opinion palestinienne : « Nous ne croyons plus que la terre peut être divisée entre les deux peuples parce que - de fait – nous sommes ensemble. Il y a trop de colonies partout… Maintenant la question pourrait être ‘comment allons-nous gouverner cette terre ?’, comment allons nous faire émerger des idées neuves pour la gouvernance de cette région, sans qu’il y ait trop de conflits… Et je pense que s’investir dans cette direction peut donner des résultats dans les vingt prochaines années et bien plus que l’investissement dans l’idée de diviser la terre. Nous avons déjà passé vingt ans à cela et rien ne s’est passé, rien n’a été accompli… »
Fayçal Awartany travaille actuellement pour un groupe d’hommes politiques palestiniens. Certains appartiennent au Fatah, le tout puissant parti de feu Yasser Arafat et de Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne. Des personnalités qui ne croient plus qu’un Etat palestinien sortira des négociations…
De quel modèle d'Etat binational s'inspirer ?
Fayçal Awartany réfléchit aux modèles dont Palestiniens et Israéliens pourraient s’inspirer : « Les Palestiniens pourraient conserver leurs infrastructures, leur gouvernement. L’Autorité palestinienne pourrait rester en place. On pourrait parler d’un gouvernorat de Palestine et d’un gouvernorat d’Israël, un peu comme le modèle américain et beaucoup d’autres modèles dans le monde…Et dans ce cas, on n’a plus à affronter les dossiers brûlants, comme la question de Jérusalem, celle des frontières, celle de l’eau… Nous pouvons aussi prendre en compte les besoins des juifs pour la préservation de leur culture à l’intérieur de l’Etat unique ».
Il n’est pas sûr que l’Etat unique imaginé par Fayçal Awartany ressemble à l’Etat unique que décrit de son côté la députée israélienne Tzipi Hotolevy mais tous deux formulent la même remarque : si les négociations en cours capotent et si l’idée d’une solution à deux Etats s’effondre dans les prochains mois alors il faudra bien réfléchir à un «plan B», à une solution de rechange…