Par Nicolas Didier
Un militant des droits de l'homme, deux religieux et une personnalité politique. C'est le bilan des interpellations réalisées ce week-end à Bahrein par les services de sécurité. Dirigeant d'un comité bahreïni de défense des droits de l'homme, Abdoulghani Ali Issa Khanjar a été arrêté dimanche 15 août 2010, de même que les cheikhs Mohammed al-Moqdad et Saïd al-Nouri. Abdeljalil al-Singace, membre du groupe chiite d'opposition Haq, a quant à lui été interpellé quelques jours plus tôt.
Haq ou le Mouvement des libertés et de la démocratie (MLD), est une entité dissidente de la principale formation chiite locale, l'Association pour un accord national islamique. Les quatre hommes sont « accusés d'avoir formé un réseau destiné à ébranler la sécurité et la stabilité du pays », selon un responsable des services de sécurité.
Si les chiites représentent 70% de la population de ce royaume du Golfe de 700 000 habitants, Bahreïn reste dirigé par la dynastie sunnite Al Khalifa. Les chiites s'y disent discriminés, notamment dans l'administration, ce que nie le gouvernement. Ils sont également exclus des forces de sécurité et des services de renseignement bahreïnis, car les autorités les soupçonnent d'allégeance envers l'Iran et préfèrent engager des étrangers, Balouches, Jordaniens ou Irakiens, à qui elles accordent facilement la nationalité bahreïnie.
Les quatre arrestations de ce week-end risquent de rappeler de mauvais souvenirs aux Bahreïniens, en ravivant les tensions intercommunautaires dans le pays, et ce peu avant le scrutin prévu en octobre prochain. Au milieu des années 1990, l'émirat - devenu une monarchie constitutionnelle en février 2002 - avait été secoué par de violentes manifestations de l'opposition chiite accompagnées de milliers d'arrestations.
A la suite d'une série de réformes politiques, le pays est revenu en 2002 à la vie parlementaire, laquelle était remplacée depuis 1975 par des lois d'exception. Après avoir boycotté le scrutin de 2002, l'Association pour un accord national islamique a obtenu 17 des 40 sièges de la seconde chambre du Parlement en 2006. Ces résultats avaient soulevé une vague d'espoir dans la communauté, mais la situation ne s'est guère améliorée. Pour les élections du 23 octobre prochain, la majorité chiite réclame une dose de proportionnelle et une refonte du découpage électoral.
Les pouvoirs des députés élus au suffrage universel sont toutefois limités par un Conseil consultatif, haute assemblée qui avalise les textes votés et dont les membres sont nommés par le roi.