De notre correspondante,
Comment se déroulent les évacuations des ressortissants ? Les pays y participent-ils et quels moyens mettent-ils en œuvre ? Quelles sont les mesures de sécurité prises pour ces évacuations et pour les ressortissants encore sur place ?
La plupart des missions diplomatiques occidentales ont évacué leurs ressortissants et nombreuses d’entre elles ont fermé leur représentation ces derniers jours. La France, Malte, la Corée du Sud, la Grande-Bretagne, la Chine, l’Autriche, l’Allemagne, l’Inde et l’Egypte par exemple ont commencé l’évacuation de leurs ressortissants. Plusieurs représentations diplomatiques ont quitté le pays dont la France, l’Espagne, le Portugal, la Grèce, l’Allemagne, l’Autriche, la Corée du Sud.
Selon les pays, les moyens mis en place sont différents, la France a, par exemple, décidé d’affréter une frégate, un départ par la route semblait trop risqué. Les Américains et les Britanniques avaient eux auparavant choisi de quitter la Libye par voie terrestre.
Il ne faut pas non plus oublier que la présence en Libye de milliers de travailleurs étrangers est cruciale pour la marche du pays, les dizaines de milliers de Philippins assurent une grande partie des services médicaux par exemple.
Pour quelles raisons la communauté internationale n’intervient-elle pas de nouveau en Libye alors qu’elle s’était empressée de le faire à l’époque ? Une nouvelle intervention est-elle envisageable ?
Une éventuelle intervention internationale est pour le moment assez peu probable ou en tout cas il faudrait qu’elle puisse répondre aux questions suivantes : quel pays serait prêt à intervenir en Libye ou à y intervenir à nouveau ? Et, surtout, pour soutenir qui ?
Aucun des camps n’est plus légitime qu’un autre et tous ont recours à la force pour défendre leurs intérêts. N’oublions pas que la plupart des milices qui se battent aujourd’hui pour le contrôle de l’aéroport sont des milices qui ont été payées ou sont encore payées par les autorités libyennes et qui dépendent de l’autorité du ministère de l’Intérieur ou de la Défense. Quel groupe est donc plus légitime qu’un autre ?
Pour le moment aucun pays n’a annoncé envisager une intervention en Libye. Parler de coopération renforcée aux frontières pour les pays voisins, ou pour les pays occidentaux, de formation de l’armée et de la police oui, mais parler d’une intervention internationale, il n’en est pas vraiment question pour le moment.
N’existe-t-il pas un risque de partition définitive de la Libye ?
C’est un risque qui a d’abord été abordé lorsque le mouvement fédéraliste à l’Est a commencé à demander plus d’autonomie pour la région de la Cyrénaïque, riche en pétrole et marginalisé sous Kadhafi.
Mais aujourd'hui, dans le contexte actuel et avec des affrontements à Tripoli comme à Benghazi, le risque d’une partition définitive entre Est et Ouest est passé à l’arrière plan. Les problématiques sont autres et tous les scénarios sont envisagés. Un risque de partition définitive est rarement abordé. Mais l’opération, lancée en mai par le général à la retraite Khalifa Haftar a largement contribué à polariser les camps.
Khalifa Haftar a annoncé qu’il voulait débarrasser la Libye des islamistes, sans jamais faire précisément la distinction entre les groupes islamistes politiques, les milices ou encore les groupes jihadistes comme Ansar al-Charia. Avec le lancement de cette opération ainsi que l’élection en juin d’un nouveau Parlement où les islamistes semblent être derrière leurs adversaires, les milices islamistes se sont senties menacées et tentent donc de conquérir des points stratégiques.
Mais attention, il ne s’agit pas d’une lutte idéologique seulement. Avant d’être idéologique, il s’agit surtout d’un combat pour le pouvoir, le contrôle des trafics, du pétrole et des armes. Pour comprendre la Libye, il faut prendre en compte plusieurs calques de lecture qui se superposent ; un calque tribal mais aussi un calque local, un calque idéologique et enfin une opposition entre des vestiges de l’ancien régime d’un côté et ceux qui réclament être les vrais révolutionnaires. Ces derniers justifient leur action en disant qu’ils s’opposent à des résidus de l’ancien régime.
Une partition est l'un des multiples scénarios possibles mais les différentes lignes de fractures ne recoupent pas toujours une division géographique. Si partition il y a, cela risque davantage d’être plusieurs partitions, plusieurs territoires contrôlés de fait par des groupes différents. Mais il est évidemment impossible de prédire ce qu’il va se passer.