Pourquoi l’ONU a-t-elle envoyé une mission en RDC maintenant, sachant que le problème du désarmement des FDLR dure depuis des mois ?
Des envoyés spéciaux de l’ONU sont déjà venus à plusieurs reprises. L’émissaire américain Russ Feingold, par exemple, était ici il y a un mois, Mary Robinson aussi est venue… Mais la visite de 5 envoyés spéciaux en même temps, c'est il est vrai plus rare. L’idée était sans doute de montrer que toute la communauté internationale soutient le désarmement rapide et complet des rebelles hutus rwandais. Parler d’une seule voix pour avoir plus d’impact. C’est d’autant plus important que depuis novembre et la fin de l’offensive contre l’autre groupe rebelle rwandais, le M23, très peu de progrès ont été accomplis dans la lutte contre les Forces de libération démocratique du Rwanda. Pendant longtemps, on a annoncé une grande offensive armée, qui n’a jamais eu lieu pour différentes raisons. Maintenant, cette annonce de désarmement pacifique tombe plutôt bien : cela arrangerait tout le monde de mettre ainsi fin à cette rébellion, réfugiée dans l’est de la RDC depuis vingt ans tout de même ! L’envoi des envoyés spéciaux la semaine dernière, c’était aussi le signe que la communauté internationale a clairement du mal à résoudre ce problème des FDLR. L’option militaire n’a pas très bien marché, d’où sa volonté de mettre le paquet sur cette initiative de désarmement pacifique. D’un point de vue politique, dans l’espoir que ça marche cette fois-ci.
Pourquoi l’Onu et les envoyés spéciaux ont-ils changé de cap, de stratégie, alors que pendant des mois, ils ont dit que l’option militaire était la seule possible ?
Plusieurs raisons, mais d'abord le fait qu’ils ont eu du mal à mettre en œuvre une offensive armée. Parmi les difficultés évoquées, la présence de civils - des dépendants - autour des positions des FDLR. Il y avait une crainte de fortes pertes de civils en cas d’attaque. Dès décembre, la mission des Nations unies en RDC, la Monusco, avait annoncé une offensive armée conjointe avec l’armée congolaise, mais l’armée congolaise, de son côté, était occupée sur un autre front, celui des ADF-Nalu, une rébellion ougandaise basée dans le nord-est de la RDC. Au final, il y a bien eu une offensive de 2 heures courant mars… Le problème, c’est que les FDLR refusent de se battre et fuient à chaque attaque. Du coup, la mission des Nations unies en RDC s’est retrouvée un peu coincée. Difficile en effet de mener une opération armée contre des gens qui ne se défendent pas. D’où l’idée de tenter ce processus de désarmement volontaire et de voir si ça peut marcher. Sachant que de leur côté, les FDLR disent depuis des mois, en effet, décembre dernier précisément, qu’ils veulent négocier et déposer les armes. Ce qui ne les empêche pas, bien sûr, de continuer de racketter les villageois congolais, de faire des attaques et des pillages en RDC.
Quels sont les nouveaux moyens mis en place par cette mission ?
Pas de nouveaux moyens particuliers, à part que la mission des Nations unies en RDC s’est dit prête à mettre à disposition « tous » ses moyens logistiques pour soutenir ce processus de reddition pacifique. Concrètement, cela veut dire des tentes, de la nourriture, des hélicoptères pour transporter les ex-rebelles si besoin, et la mise en place de camps de transit en attendant que les ex-FDLR choisissent soit de rentrer au Rwanda soit de rester en RDC ou d’aller dans d’autres pays… Bref tout un déploiement logistique pour accompagner ces redditions.
Ces redditions ont-elles commencé ?
Ces redditions ont commencé mais elles avancent assez doucement pour le moment. Il y a dix jours, 100 combattants se sont rendus au Nord-Kivu. Lundi dernier, ils étaient 83 combattants avec 83 armes - dont 8 armes lourdes - au Sud-Kivu. Ce qui fait que pour le moment, environ 10 % des quelque 2 000 combattants, qui sont toujours dans les collines de l’est du Congo, se sont rendus. Mais la nouveauté, ce lundi, c’est que ces combattants se sont rendus avec leurs femmes et leurs enfants : 234 dépendants au total. Pour les autorités congolaises, c’est un signe encourageant qui donne un aspect sincère au désarmement s’ils se rendent avec leurs familles Mais la question est de savoir à quel rythme va se faire le reste du désarmement, pour parvenir à une reddition complète. C’est là toute la question. Au départ, les autorités congolaises avaient prévu jusqu’au 22 juin, maintenant elles disent qu’il faudra sans doute un peu plus. Un calendrier est actuellement en discussion avec les FDLR... Autre question : que va-t-on faire de ceux qui sont accusés de génocide et sous le coup d’un mandat d’arrêt international ? Il n’y a pas de chiffres exacts sur le nombre de personnes concernées et la question a pas encore été abordée !
Que va-t-il se passer si ce désarmement pacifique ne va pas jusqu’au bout ?
Si le désarmement échoue, il sera bien temps de lancer des opérations militaires auxquelles plus personne ne pourra s'opposer. C’est ce qu’affirme la Monusco.