Devant les chefs d’Etat et de gouvernements des 54 pays-membres de l’Union africaine (UA), Laurent Lamothe, le Premier ministre haïtien, s’est voulu convainquant : la perspective d’adhésion à l’UA est une porte d’entrée dans le 21è siècle pour Haïti et une ouverture sur l’Amérique pour tous les Africains. Depuis un certain temps déjà, le gouvernement du président Michel Martelly n’a pas ménagé ses efforts pour se rapprocher de l’Afrique.
Les Haïtiens souhaitent notamment développer des coopérations et des partenariats stratégiques avec différents pays du continent. Certaines doivent débuter dans les prochains mois, comme la coopération entre Haïti et le Sénégal, qui portera sur un partenariat technique dans les domaines de la pêche et de l’enseignement supérieur. L'Afrique du Sud a annoncé qu’elle apportera son savoir-faire pour évaluer les richesses minières en Haïti. Avec l'Ethiopie, Port-au-Prince aimerait lancer une coopération dans le secteur de l'agriculture.
Le retour d’Haïti sur la scène internationale
D’autres partenariats existent déjà, comme celui lancé en 2013 entre Haïti et la Côte d'Ivoire dans le secteur de la police, avec comme objectif de lutter contre la cybercriminalité et la piraterie maritime. Ces quelques exemples montrent les échanges existants ou à venir, échanges entre un savoir-faire africain dont pourraient s’inspirer les autorités haïtiennes et des expériences faites en Haïti qui pourraient servir en Afrique. Telle semble être en tout cas l’ambition du gouvernement de Port-au-Prince.
Mais l’un des objectifs les plus importants du président haïtien est d’imposer de nouveau Haïti sur la scène internationale. Pour ce faire, Michel Martelly compte beaucoup sur les organisations régionales et continentales. Le chef de l’Etat ne cesse de répéter que le renforcement de la coopération Sud-Sud figure parmi les priorités de sa politique étrangère. Dans les faits, cela se traduit par exemple par la demande d’Haïti, il y a deux ans, d’intégrer l'Alliance bolivarienne pour les Amériques, l'Alba, fondée par l'ancien président vénézuélien Hugo Chavez. L’Alba, l’Union africaine, pour Haïti, autant de portes d'entrée éventuelles sur la scène internationale.
Membre associé depuis 2012
La démarche d’Haïti d’adhérer à l’UA ne date cependant pas d’aujourd’hui. En 2012, Haïti a d'abord été admis comme pays observateur avant de devenir, quelques mois plus tard, membre associé de l’Organisation. Mais depuis ce temps, le statut d'Haïti au sein de l’UA n'a pas évolué. Ce qui a amené le gouvernement de Port-au-Prince, en la personne de Laurent Lamothe, à relancer la demande d’Haïti de devenir maintenant membre à part entière de l'UA lors du dernier sommet à Addis-Abeba.
Une requête qui ne semble pas gagnée d’avance, tout d’abord pour des questions de procédure. Pour qu’Haïti puisse adhérer pleinement à l'UA, il faudrait que l'Organisation révise son acte constitutif qui, pour l'instant, limite les pays-membres à ceux du continent africain. Ensuite, s’il est vrai qu’Haïti a toujours joui d'une image très positive auprès des pays d'Afrique, certains se posent quand même la question de savoir si Haïti est oui ou non un pays africain tout comme eux.
« Haïti, c'est l'Afrique dans la Caraïbe »
Pour les en persuader, Laurent Lamothe, lors de son discours au sommet de l'Union africaine, a dit cette phrase qui a fait couler beaucoup d'encre : « Haïti, c'est l'Afrique dans la Caraïbe ». Les Haïtiens sont dans leur immense majorité les descendants d'anciens esclaves, enlevés de force de leur pays natal en terre africaine pour être exploités dans la colonie française de Saint-Domingue jusqu'à la révolution et la création de la première république noire du monde en 1804.
Laurent Lamothe n’a d’ailleurs pas hésité à affirmer que tous les Haïtiens étaient « des Africains dans leurs âmes, dans leurs cœurs et dans leurs mœurs ». Néanmoins, il n'est pas sûr que l'histoire forte qui lie Haïti et les Haïtiens au continent africain suffise à leur ouvrir la porte de l'UA. Haïti n'est pas non plus le seul Etat qui compte de nombreux descendants d'anciens esclaves africains.