2003-2013: décennie noire en Irak

L'année 2013 marque une autre année noire pour l'Irak. Une de plus, dix ans après la capture de Saddam Hussein et l’invasion américaine en 2003. Cette année, les violences ont été aussi meurtrières que durant la guerre civile en 2008. Le dernier bilan effectué par l’Agence France presse fait état de plus de 6 650 morts en 2013. Et les chiffres continuent de grimper. Flambée de la violence et du terrorisme, guerre en Syrie, vide politique, la crainte de la guerre civile refait plus que jamais surface en Irak.

La violence fait partie du quotidien des Irakiens. Et elle ne cesse d’empirer. Le décompte est macabre : entre 500 et 800 tués chaque mois depuis le mois d’avril. Les Nations unies « s’alarment d’un retour au niveau de violence d’il y a cinq ans ». Des attentats à la voiture piégée se coordonnent de plus en plus dans les grandes villes du pays.

Le 10 août dernier par exemple, une vague d’attentats a fait près de 80 morts et 240 blessés ; une douzaine d’attaques simultanées se sont produites dans la seule capitale Bagdad. C’est la communauté chiite, qui représente plus de la moitié de la population, qui subit de plein fouet cette flambée de violences.

Les chiites, qui depuis 2003 ont pris les rênes du pouvoir, sont de plus en plus contestés par les sunnites qui se sentent exclus et discriminés. La radicalisation sunnite s’accroît donc. La montée en puissance d’al-Qaïda en est la preuve. Ses capacités d’actions se multiplient et la coordination de ses attaques se précise à mesure que le conflit en Syrie se pérennise. Il n’y a plus de frontières pour les jihadistes qui circulent désormais « librement ».

Fort pourtant de plus d’un million d’hommes armés pour 33 millions d’habitants, le gouvernement du chiite Nouri al-Maliki ne parvient pas à stopper cette spirale du terrorisme. Pour le moment, cette radicalisation sunnite n’entraîne pas réellement le retour des milices chiites. Mais le pouvoir en place se charge tout de même de punir ses détracteurs. Selon Amnesty international, depuis un an, des milliers de manifestants sont descendus dans la rue, dans les régions où la majorité de la population se réclame de l'islam sunnite, pour protester contre les détentions arbitraires, les violations des droits des détenus et le recours à la législation antiterroriste, et pour réclamer la fin de ce qu'ils considèrent comme une discrimination du gouvernement envers la population sunnite.

Chaos politique

Le Premier ministre Nouri al-Maliki, en poste depuis huit ans, est de plus en plus contesté au sein même de sa communauté. La crainte qu’il joue de la violence confessionnelle pour sauver sa peau grandit à mesure que les défections s’accroissent dans son propre camp.

L’absence du président participe aussi du chaos politique. Le président Talabani, sunnite, était considéré lors de sa première élection en 2005 comme un médiateur à la crise, pour rassembler une classe politique minée par les divisions entre musulmans chiites et sunnites d'une part, et Arabes et Kurdes d'autre part. Son départ du pays pour des raisons de santé depuis un an est un facteur supplémentaire de l’instabilité du pays. Et les différents organes du gouvernement et les institutions sont au point mort.

Sur le plan constitutionnel, l’Irak est ainsi sans président, la loi fondamentale étant floue sur les dispositions quant à un éventuel remplacement. La Constitution stipule que « le vice-président devrait remplacer le président en cas d'absence », mais aussi que si la présidence devient « vacante », un nouveau président doit être élu dans les trente jours. Or elle n'établit pas de lien entre les deux scénarios.

L’Irak est ainsi plongé dans un chaos sans précédent. « Depuis le retrait américain, expliquait Antoine Basbous sur RFI en août dernier, ce pays continue de souffrir d'une instabilité structurelle. Le pouvoir est contesté. Il est largement dominé par les chiites. Il fait partie de l’alliance iranienne et se comporte de façon sectaire, en traitant les sunnites qui sont minoritaires comme des citoyens de seconde zone », et, ajoutait le directeur de l'Observatoire des pays arabes, « le gouvernement sectaire de Nouri al-Maliki n’est pas appelé à apaiser les conflits ».

Le pétrole, toujours arme de guerre

C’est ce même Nouri al-Maliki qui use de la menace d’al-Qaïda pour obtenir le soutien des Américains, eux-mêmes en lutte permanente contre le mouvement. Il use aussi de la manne pétrolière et vante les succès de son pays. Depuis 2005 en effet, la production d’or noir a augmenté de 50 % (plus de 7 milliards de dollars ont été générés en huit mois). Mais le pétrole ne permettra pas d’enrayer la crise profonde. D’autant qu’en la matière, tout le monde veut sa part du butin, y compris les jihadistes.

Le pétrole est une arme. Et cela vaut plus que jamais pour l’Irak. Il y a dix ans, les Etats-Unis souhaitaient réformer le secteur pétrolier afin qu’il devienne l’une des bases de la reconstruction du pays. Mais actuellement, le pétrole finance une économie souterraine, une économie de guerre. Même les groupes terroristes financent une partie de leurs actions grâce à la contrebande pétrolière.

Conflits, sanctions, corruption (l'Irak est 7e au classement des pays les plus corrompus établi par l'ONG Transparency International), répression, communautarisme et confessionnalisme planent ainsi encore sur l'Irak, même sans Saddam Hussein. En 2014, le pays aura besoin d’un réel dialogue national autour d’un programme visant à préserver l’unité. Un dialogue qui lui permette d’entamer enfin sa pacification et sa reconstruction. 

Partager :