De notre correspondante à Beyrouth,
A la fois salon de thé, pâtisserie et restaurant, Hallab est l'un des symboles de Tripoli. A deux pas du centre-ville, à l'écart des combats récurrents dans la banlieue, cette enseigne prisée des Tripolitains n'est pourtant pas épargnée. Ses ventes ont chuté de moitié, car les clients sont inquiets des violences, explique Adnane Hallab, l'un des propriétaires : « Pendant les combats, on ne ferme pas les magasins, même s'il n'y a pas de clientèle. Car si l'on ferme ici, tous les Tripolitains vont penser qu'il y a des problèmes graves. Pendant la nuit, on entend les bombes et les balles. Les gens ont peur de venir à Tripoli. C'est ça le problème, car la plupart des magasins ont des clientèles en-dehors de Tripoli. »
Désertée, Tripoli se sent de plus en plus isolée. Et s'il y a de l'animation dans le centre-ville, elle n'est qu'apparente. Dans les petits magasins, licenciements et horaires réduits sont de mise pour tenter de survivre. L'année qui s'achève a étouffé la ville, estime Adnane Hallab, qui craint de devoir réorganiser son entreprise si les affrontements se poursuivent. « 2013 est la plus mauvaise année à Tripoli, économiquement parlant. On en est au huitième combat cette année. Tous les deux mois, il y a un nouveau combat. Et c'est la crise économique, il n'y a pas de revenus. Nous sommes fatigués de cette situation. »
Manque de solidarité
Selon les habitants, la délinquance et la mendicité sont en hausse à Tripoli. Le maire, Nader Ghazal, constate de plus en plus de fermetures, de commerces ou d'industries. Selon lui, ce phénomène risque d'avoir des conséquences désastreuses : « Nous avons le taux de pauvreté le plus élevé du Liban. Avec ces batailles à répétition, nous avons de plus en plus de pauvres, de plus en plus de gens qui se retrouvent au chômage ou qui essayent de survivre par de petits travaux dans la rue. Nous demandons sans cesse de l'aide au gouvernement, mais sa réponse est bien en-deça de ce qu'on attendrait. »
Ce manque de solidarité, tous les Tripolitains le dénoncent. Elias Khlat, membre de la société civile, craint aussi que la ville plonge dans une économie artificielle : « On est rentré en plein dans l'économie de guerre àTripoli. Cela signifie qu'il y a des miliciens qui touchent de l'argent, parce qu'ils combattent. Ils font ainsi vivre leurs familles. Mais de l'autre côté, il y a ceux qui travaillent dans l'humanitaire, que ce soit à cause de l'exode syrien, à cause de ce qui se passe au pays. A long terme, cette économie de guerre engendre des perturbations sur l'économie de la ville. »