Après le feu vert du conseil de sécurité de l'ONU, ce jeudi, pour une opération conjointe des forces africaines et françaises afin de rétablir la sécurité en République centrafricaine, le président François Hollande annonçait, le soir-même, une action militaire « immédiate». Une compagnie arrivait au même moment de Libreville, soit environ 150 hommes. Des patrouilles ont été déployées immédiatement dans Bangui où la nuit a été calme. La présence française est censée permettre « une intervention humanitaire», a précisé le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian. Toute la journée de jeudi, de violents affrontements avaient éclaté au nord de la capitale, Bangui, où des témoins ont déjà compté près de 80 cadavres dans les rues, et alors que 50 morts s'empilaient à la morgue de l'hôpital communautaire en fin de journée .
Craignant un génocide, la communauté internationale a donc décidé de réagir sous l’impulsion de la France. Les événements s'étaient accélérés ces deux dernières semaines. Dans un rapport remis à Ban Ki-Moon le 25 novembre, les diplomaties françaises et américaines décrivaient un pays « au bord du génocide » et une situation qui avait « de fortes chances de se solder par des atrocités généralisées » dans ce pays de 5 millions d’habitants à forte majorité chrétienne.
Restaurer la paix
Depuis le 24 mars, date du coup d’État perpétré contre le président François Bozizé par les rebelles de la Seleka ('la coalition' en langue sango), il règne en effet un climat d’insécurité permanente dans une grande partie du pays avec des tensions interreligieuses très vives et des violences intercommunautaires qui se sont intensifiées depuis le mois d’août. « Les signaux sont très inquiétants », déclarait ainsi le 24 novembre Monseigneur Nzapalainga, l’archevêque de Bangui, sur RFI. Quand elles ne restent pas terrées chez elles, certaines populations se réfugient en pleine brousse par peur des exactions de l’ex-Seleka ou des mercenaires étrangers venus du Soudan et du Tchad.
Après avoir étudié plusieurs options, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est prononcé le 25 novembre pour une réponse « robuste » et « sérieuse » comprenant d’abord la force panafricaine et les troupes françaises puis, dans un deuxième temps, les casques bleus. Le dispositif prévoit le déploiement de la mission internationale de soutien à la Centrafrique (Misca) à partir du 19 décembre, soit environ 3 700 hommes. Au total, les forces de maintien de la paix pourraient s’élever jusqu’à 9 000 hommes, le renforcement étant prévu pour une période de douze mois.
Déjà présente en RCA avec un contingent de 410 hommes dans le cadre de l’opération Boali visant à protéger les ressortissants et les intérêts français, la France va servir de force d’appui pour enclencher le dispositif et ouvrir la voie aux forces panafricaines de la Misca. Rassemblés au sein de l’opération Sangaris (du nom d’un petit papillon rouge spécifique aux forêts de la région), opération dont le commandement a été confié au général Francisco Soriano, 1 200 soldats français, dont 800 arrivés en renfort, seront présents sur le terrain. Selon le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, il s’agira pour le contingent français d’une mission de courte durée, évaluée à environ six mois.
Le temps presse
« Notre action, celle des Africains d’abord, la Misca, la nôtre, celle des forces internationales, va consister à la fois à rétablir la sécurité gravement menacée et à rétablir aussi les droits humanitaires parce qu’il y a des exactions épouvantables », déclarait le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius, invité de RFI le 3 décembre. Réfutant l’idée selon laquelle la France s’apprêtait à contraindre au départ Michel Djotodia (le président centrafricain de la transition), le chef de la diplomatie française a estimé qu’il fallait dissoudre « effectivement » les bandes armées qui composent l’ancienne Seleka, dissoute par Michel Djotodia.
La résolution de l’ONU prévoit également la création d’une commission d’enquête sur les droits de l’homme, un embargo sur les armes et des sanctions contre les auteurs d’exactions. Samedi, la situation sera débattue lors du mini-sommet « Paix et sécurité en Afrique » en marge du sommet Afrique-France qui réunit une quarantaine de chefs d’état africains à Paris. Signe que le temps presse, on apprenait mercredi que des éleveurs peuls musulmans avaient été massacrés à la machette au nord de Bangui, dix très jeunes enfants ayant également été blessés sauvagement dans la même attaque.