« C’était le 24 octobre 1996 vers 18h30-19 heures, se souvient cette mère de famille aujourd’hui installée à Bukavu, dans le Sud-Kivu. Un groupe d’hommes armés est entré dans ma maison. A l’époque, je vivais avec mes trois enfants et le jeune frère de mon feu mari. Le chef du groupe m’a demandé de l’accompagner dans ma chambre pour voir si je n’avais rien à cacher. Et c’est là où ça s’est passé. Pour l’honneur de mes enfants, j’étais contrainte à garder le calme malgré les atrocités. J’ai dû affronter des moments durs. Au niveau de ma famille, j’ai été victime d’un rejet, puisque j’ai donné naissance à un enfant non souhaité. Une fille que je considère comme ma consolation ».
« Réparer l’irréparable »
Aujourd’hui âgée de 20 ans, la jeune fille est étudiante à l’université et fait partie des cinq premiers de sa classe. Mais toute sa vie, elle a fait l’objet de stigmatisation de la part de ses proches: « Ma mère ne m’avait rien dit. Une fois, en vacances dans mon village natal, un membre de la famille de ma mère m’a demandé si je savais pourquoi j’avais un nom différent de mes frères. J’ai posé la question à ma grand-mère qui m’a expliqué à sa manière et j’ai compris sans en vouloir à ma mère. À mon retour, je me suis arrangée pour être plus compréhensive, car, parfois, j’avais du mal à comprendre son comportement face à certaines de mes questions. Ce n’est pas facile de vivre dans une famille où on vous pointe du doigt. Tes propres frères te considèrent comme une étrangère. Parfois, on a du mal à définir ce qu’on est véritablement : Orpheline de père ? Fille d’un père inconnu ? Suis-je congolaise ou étrangère ? Quelle était la nationalité du bourreau de ma mère ? Ma mère n’a presque pas de réponses à mes questions, mais elle ne m’a jamais donné une raison de croire que j’étais différente. Elle m’a aimée de tout son amour contrairement aux témoignages d’autres enfants issus d'un viol ».
A l’université, la jeune femme a choisi de suivre des études de droit « pour avoir l’occasion de défendre des cas comme le mien », précise-t-elle. « Mais, parfois, je me pose la question de savoir si l’on peut réparer ce que je considère moi-même comme l’irréparable »
Solange Shagayo
Directrice de la radio Star
Bukavu, République démocratique du Congo
radiostar.dir@gmail.com
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