Il y a les senteurs enivrantes. Celles des orangers, des citronniers, des fleurs de figuiers mais aussi celles des roses et du jasmin… À quelques pas de la mer et du bleu infini, le jardin de Djelloul, retraité de l’enseignement supérieur, offre ses plus beaux atouts. Ici, au pied de la montagne du Chenoua, située à quelques 80 kilomètres à l’ouest d’Alger, la terre rouge et fertile donne sans compter. Sans doute un juste retour des choses. « J’ai été élevé en observant et en respectant la nature. J’ai toujours vu ma mère prendre soin de sa terre, explique Djelloul. Les anciens avaient le respect des cultures. C’est un héritage familial dont je suis fier ».
Rendements et pesticides
Néfliers, grenadiers, bananiers et petits manguiers ornent la cour de la maison où quelques pieds de vignes s‘entrelacent autour de la grande pergola. « Chez moi tout est bio ! », précise Djelloul. « Mes arbres fruitiers n’ont pas besoin d’engrais chimiques pour donner ».
Les surfaces certifiées bio représentent une infime partie des cultures en Algérie. Si cette activité agricole demeure très marginalisée, elle est considérée peu rentable. Aussi, ces cultures certifiées sans engrais, pesticides ou adjuvants et contrôlées par l’organisme Ecocert [organisme de contrôle et de certification ; ndlr] sont principalement l’olive, la datte et la production vinicole destinées à l’exportation.
La politique du pays en matière agricole vise en priorité la satisfaction des besoins de la population : « Tous les moyens sont utilisés pour avoir une précocité et un rendement maximum des récoltes », assure Sarah, ingénieur agronome sur la wilaya [division administrative ; ndlr] de Tipasa. Pour cela, la production agricole utilise à profusion des engrais chimiques, des pesticides et des herbicides. Une situation qui inquiète beaucoup d’Algériens. « J’évite d’aller au marché, dit Kader. Les fruits et les légumes sont presque tous traités chimiquement ». Pour Fathia, médecin généraliste, « c’est devenu un problème de santé publique ; on remarque une augmentation du taux de cancer, des maladies métaboliques ou cardio-vasculaires… »
Torba, un collectif militant
Si comme le dit Sarah, le consommateur algérien n’a pas encore acquis totalement la « culture du bio », des collectifs pour la défense de l’agro-écologie s’installent dans le pays. Basée à Chéraga, Torba, une AMAP* [Association pour le maintien d'une agriculture paysanne ; ndlr] créée en 2016 rassemble près de 300 adhérents. « Nous misons sur le "manger sain" et le soutien aux petits paysans qui cultivent sans pesticides », assure Abdelkrim, professeur à l’Institut des sciences vétérinaires de Blida et président du collectif Torba. « L’activité paysanne authentique est en perte de vitesse », poursuit-il.
La certification bio a un coût très élevé en Algérie pour les petits producteurs : « Ceux avec qui nous travaillons n’ont pas forcément la certification bio mais nous nous assurons toujours que le contrat est respecté, à savoir : la non utilisation de produits chimiques, de pesticides et l’utilisation des semences locales. », dit Abdelkrim. Pour l’heure, il s’inquiète de voir s’installer une alimentation mondialisée : « En Algérie, nous consommons des produits qui peuvent faire facilement 2 000 kilomètres ! Ils sont importés et viennent de France, du Canada, du Brésil, de Chine… Il faut vraiment inviter les gens à aller vers cette autonomie alimentaire ».