RFI : De nouvelles informations font état de possibles menaces terroristes en Afrique du Sud. Le mois dernier, 2 hommes soupçonnés d’avoir des liens avec des groupes terroristes ont été interceptés alors qu’ils s’apprêtaient à se rendre en Afrique du Sud. Quelles informations avez-vous sur ces 2 incidents ?
Saad Kindeel : L’information dont je dispose est qu’un homme appartenant à l’organisation Etat islamique a été arrêté le mois dernier en Turquie, alors qu’il s’apprêtait à venir en Afrique du Sud, sur ordre de l'organisation Etat islamique. Il a été arrêté et se trouve actuellement aux mains des autorités irakiennes.
Cet homme s’appelle Abu Osama. Qui est-il et selon vous quelles étaient ses intentions en Afrique du Sud ?
Il s’agit d’un citoyen irakien. C'est un expert en système informatique et il a été envoyé en Turquie pour identifier des cibles américaines en vue d’un attentat. Il a passé 9 mois dans ce pays, et ensuite on lui a dit d’aller en Afrique du Sud. Mais il a été arrêté juste avant de prendre l’avion. J’en conclus que sa mission en Afrique du Sud devait être similaire à celle en Turquie. C’est-à-dire identifier des cibles et organiser des attentats dans ce pays.
Vous pensez qu’il n’était pas là pour recruter, mais pour organiser des attentats ?
Certainement pas pour recruter, car le recrutement est effectué par des locaux qui connaissent des gens, qui sont connectés. En effet, le groupe Etat islamique recrute en Afrique du Sud. Cela nous a été confirmé par les gens que nous avons faits prisonniers. Les informations dont nous disposons montrent que l’EI a recruté dans plus de 100 pays. Et l'Afrique du Sud en fait partie. Il n’y a aucun doute que des Sud-Africains ont été recrutés pour aller se battre en Syrie et en Irak.
Donc selon vous il existe déjà des cellules de recrutement dans le pays.
Oui, c’est certainement le cas. Principalement des cellules de recrutement, mais probablement également des cellules dormantes qui attendent des instructions pour passer à l’action.
Vous voulez dire que l’Afrique du Sud est non seulement un terrain de préparation, mais pourrait également être elle-même la cible d’attentats ?
Oui, les deux. Nous avons des preuves que l’Afrique du Sud est utilisée pour recruter. C’est sûr. Mais nous pensons qu’il y a également des cellules dormantes qui pourraient être utilisées pour commettre des attentats dans le pays. Le fait qu’Abu Osama était en route pour l’Afrique du Sud est une indication claire et nette que ce genre d’activité est en préparation. C’est comme ça que le groupe Etat islamique opère. L’organisation dépend de locaux pour recruter et envoyer des combattants à l’étranger, mais pour préparer des actions sur un territoire, le groupe envoie des gens de l’extérieur.
Pourquoi l’Afrique du Sud ? Le pays a une politique étrangère relativement neutre.
Je pense que le groupe Etat islamique utilise les attentats pour renforcer sa stratégie de recrutement. Parce qu’il fait appel à une idéologie extrême pour conditionner ses sympathisants. Il a besoin de lancer des opérations sensationnelles pour montrer qu’il peut agir là où il veut.
Donc ce n’est pas nécessairement des intérêts sud-africains qui seraient ciblés.
Non, le gouvernement sud-africain ne serait pas visé. Mais plutôt des gens dans un marché par exemple, pour se faire de la publicité. Ou alors contre un gouvernement étranger, une ambassade.
L’année dernière, les Etats-Unis ont mis en garde leurs citoyens vivant en Afrique du Sud contre de possibles attentats, notamment dans des centres commerciaux à Johannesburg et au Cap. A l’époque, le gouvernement sud-africain était très dubitatif. Le gouvernement irakien a également informé les autorités sud-africaines de possibles menaces terroristes sur leur territoire. Qu’elle a été leur réaction ?
Nous avons en effet approché les Sud-Africains pour discuter de coopération, afin d’échanger des informations pour lutter contre le terrorisme, pour les mettre en garde que l’Afrique du Sud est vulnérable à ce genre d’attaque. Mais nous n’avons pas vraiment obtenu de réponse ferme. Leur réaction a été très molle. Ils ont accepté le principe d’une rencontre entre notre ambassade et le ministre sud-africain de la Sécurité, et de mettre sur pied une délégation de haut niveau en vue de signer un accord de coopération entre les deux pays. Mais pour l’instant, il n’y a rien de concret.
Avez-vous l’impression que les Sud-Africains ne prennent pas cette menace suffisamment au sérieux ?
Je ne sais pas. Je ne peux pas faire de commentaire là-dessus. Ils nous disent qu’ils prennent ces menaces au sérieux, mais à leur façon.
Mais à votre avis la menace est réelle et l’Afrique du Sud comme d’autres pays est vulnérable.
Absolument. C’est le cas et c’est le message que nous avons tenté de faire passer aux autorités sud-africaines. De leur dire qu’ils sont vulnérables et qu’ils doivent agir avant qu’un attentat ne se produise.
Propos recueillis par notre correspondante à Johannesburg