Crash en Colombie: l'enquête part tous azimuts et devient un feuilleton

Une compagnie inconnue, un pilote manquant aux règles de sécurité les plus évidentes, des autorités affirmant n’être au courant de rien. Le crash de l’avion transportant l’équipe du Chapecoense se transforme peu à peu en un véritable feuilleton, bien plus compliqué qu’un simple accident aérien. L’enquête est en cours et révèle chaque jour son lot de rebondissements.

De notre correspondante à La Paz,

« Non non, ça ira, je vous assure, nous avons assez d’autonomie, c’est bien comme ça ». C’est avec ces quelques mots que le sort des passagers du vol 2933 a été réglé le 28 novembre dernier. A l’aéroport de Viru Viru, à Santa Cruz de la Sierra en Bolivie, un technicien de bord répond ainsi à l’inquiétude d’une contrôleuse aérienne sur le niveau de carburant de l’avion de la compagnie LaMia. Quelques heures après le décollage de Santa Cruz de la Sierra, le British aerospace 146, en panne de carburant, s’écrase sur une colline aux alentours de Medellin, faisant 71 morts.

Au-delà du crash aérien et de sa tragédie, l’enquête révèle peu à peu des détails pour le moins embarrassants, à la fois pour les services de l’aviation civile, les dirigeants de la petite compagnie et les autorités boliviennes. Comment est-il possible que l’avion ait pu décoller sans le niveau nécessaire de carburant ? Pourquoi la fonctionnaire ayant laissé partir l’avion veut-elle désormais demander l’asile au Brésil ? Est-il vrai que le président Evo Morales ne savait pas que cette compagnie avait les autorisations pour voler ? Autant de questions auxquelles la commission d’enquête, composée de procureurs boliviens, brésiliens et colombiens se chargera de répondre.

Des erreurs impensables pour un pilote expérimenté

Sept jours après l’accident, la contrôleuse Celia Castedo traverse la frontière entre la Bolivie et le Brésil dans le plus grand secret et se renseigne sur les possibilités d’asile dans le pays voisin pour échapper aux accusations qui pèsent sur elle en Bolivie. Elle est en effet sous le coup d’une procédure pénale pour non-respect de ses devoirs et atteinte à la sécurité des transports. Pour cela, elle risque jusqu’à 4 ans de prison. Si elle a prévenu les membres de l’équipage que leur plan de vol devait être changé, que leur autonomie était insuffisante, elle a tout de même autorisé le départ, malgré des incohérences évidentes. Le rapport qu’elle a remis après le crash, et notamment la retranscription de la conversation qu’elle assure avoir eu avec le « dispatcher » de la LaMia est accablante.

Il semblerait que le pilote ait manqué à toutes les règles basiques de sécurité et notamment la première : partir avec le niveau de carburant tout juste suffisant pour le trajet initialement prévu. Le vol doit durer 4h22, l’avion contient très exactement 4h22 d’autonomie. Une escale pour recharger du combustible est prévue à Cobija, mais le pilote ne s’y posera jamais. Autant d’erreurs qui semblent impensables pour un pilote expérimenté comme Miguel Quirogua, 36 ans, ancien pilote militaire, avec 14 ans de vol derrière lui.

La compagnie aérienne fautive

La compagnie aérienne a elle aussi commis des fautes très graves. Beaucoup se questionnent : comment est-il possible que l’entreprise – initialement basée au Venezuela - ait obtenu une immatriculation en Bolivie ? Spécialisée dans le transport d’équipes sportives, la compagnie est inconnue du grand public, tout comme du président Evo Morales. Du moins, c’est ce qu’il a affirmé lors d’une conférence de presse quelques jours après le drame : « je ne savais pas qu’elle avait les autorisations, je ne savais même pas que cette entreprise avait une immatriculation bolivienne ». Le président bolivien aurait-il oublié avoir voyagé dans un avion de cette compagnie quinze jours plus tôt ? Ne savait-il pas que le gérant de cette même compagnie était un ancien pilote présidentiel ? A cette dernière question, Evo Morales a répondu qu’il savait, mais « ce n’est pas parce que c’était mon pilote qu’il a obtenu plus facilement les autorisations », a-t-il assuré.

L’enquête se penche déjà sur le rapport entre le directeur général de la compagnie et le directeur du Registre aéronautique national de la direction générale de l’aviation civile. Ils ne sont rien de moins que père et fils. Ce lien de parenté a-t-il permis à la compagnie d’avoir des passe-droits, et notamment d’être immatriculée en Bolivie alors qu’elle ne parvenait pas à l’être au Venezuela depuis cinq ans ? Beaucoup de questions sont encore en suspens et mettront certainement des semaines, voire des mois, avant de trouver des réponses. Ce drame, qui a coûté la vie à 71 personnes, n’est pas seulement une terrible erreur humaine, mais semblerait avoir mis en lumière des relations que beaucoup n’aimeraient pas voir révéler.

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