Colombie: de l'or équitable pour la médaille du prix Nobel de la paix

Cette année, la médaille du prix Nobel de la paix, remise samedi 10 décembre au président colombien Juan Manuel Santos, aura un goût un peu particulier. Car elle a été conçue avec de l'or équitable colombien qui provient de mines éco-responsables labellisées Fairmined. Une initiative créée par l’Alliance pour une mine responsable (ARM). Ce label concerne les mines respectant l'environnement et offrant de bonnes conditions de travail aux mineurs. Dans les montagnes colombiennes de la région de Nariño, dans le sud-ouest du pays, cinq mines certifiées extraient l'or sous ce label. Alors que 63% des mines colombiennes restent illégales ou informelles.

De nos correspondantes en Colombie,

Perdu dans les montagnes de la cordillère des Andes colombiennes, à 2 300 mètres d'altitude, le village de la Llanada vit son heure de gloire. Les médias nationaux viennent interviewer mineurs et responsables de la coopérative minière Coodmilla pour leur or équitable de la médaille duprix Nobel de la paix. Dans ce village de 7 000 habitants, 90 % de la population vivent de la centaine de mines des alentours. Cinq d'entre elles ont obtenu le label Fairmined l'année dernière. Cinq autres attendent d'être certifiées.

Javier Rosero est loin de cette agitation. Ce mineur de 25 ans a commencé sa journée à 7h du matin. Avec ses collègues, il travaille dans les profondeurs de la montagne del Canada. Les longues galeries humides sont sécurisées. Des panneaux avertissent les mineurs des règles à suivre tous les dix mètres. La lumière est omniprésente. Javier porte l'uniforme de sécurité : son casque, des gants et un masque pour se protéger des poussières qui pourraient affecter ses poumons.

Sécurité et santé, les priorités

« Grâce à la certification, nous bénéficions d'un contrat de travail, d'une sécurité sociale, d'une retraite et de primes. Nous sommes aussi suivis par un médecin pour contrôler nos poumons », explique-t-il. Un peu plus loin, ses collègues cassent la roche au marteau pour récupérer le quartz où se cache le précieux métal. Les minerais sans valeur sont triés et broyés. Ils seront vendus à des entreprises du bâtiment ou seront réintroduits dans la mine pour consolider la montagne. C'est aussi cela une mine responsable.

Javier a commencé à travailler dans les mines à 18 ans. Il a suivi la tradition familiale, comme la plupart des enfants du village. « Le travail reste difficile mais au moins nous avons de bonnes conditions de travail. Aujourd'hui, notre travail est reconnu. C'est une fierté d'avoir notre or dans la médaille du prix Nobel de notre président Santos », affirme-t-il en poussant le chariot rempli de pierres vers la Planta.

Il s'agit de l'atelier où la roche est moulue, lavée et séparée pour obtenir le sable contenant l'or. Un savoir-faire ancestral et écologique puisqu'aucun produit chimique n'est utilisé. L'or est ensuite récupéré grâce à la batée, un récipient en forme de cuvette. Une méthode manuelle beaucoup plus longue et fastidieuse, mais récompensée. Chaque gramme d'or vaut environ quatre euros de plus que celui non certifié. Cet argent est réinvesti dans le développement des mines responsables.

63 % des mines colombiennes illégales ou informelles

A quatre heures de route de Medellin, à environ 1300 mètres d'altitude, se trouve le village de Marmato. Il est connu pour ses mines d'or historiques. L'exploration a débuté dès 1536 à l'époque des conquistadors espagnols. Aujourd'hui, 3 000 mineurs travaillent quotidiennement sur le site. Ce sont des mines dites « informelles », cela signifie que certaines manquent de cadre administratif. Elles sont donc en partie illégales.

César Escobar gère une équipe de dix personnes. Il est mineur de père en fils depuis plusieurs générations. Il explique que le souci vient de la législation. Les mineurs travaillent seulement pour survivre. De plus, même si sa mine est dite informelle, il a des droits : « Nous avons des assurances pour les risques des métiers et pour la pension. On dit informelle pour les petites mines qui travaillent de manière artisanale et qui n'ont pas de compagnie officielle ou tous les permis pour exploiter le site minier. C'est une histoire de papiers. La mienne est gérée par une compagnie. »

Accusations de pollution constantes

Les flancs de la montagne sont décolorés et éventrés. Les courants d'eau sont devenus gris, tout comme les pierres restantes de l'exploration. Cela est dû à l'utilisation de produits chimiques comme le cyanure et le chlorure de fer. Leur recours est généralisé car l'or est trop incrusté dans la roche. Régulièrement, les mineurs sont pointés du doigt pour la pollution des lieux. On estime qu’environ 205 tonnes de mercure sont rejetées annuellement dans les différents cours d’eau des régions du Cauca, du Choco et de Nariño.

En Colombie, 63 % de l'activité est illégale. Au niveau mondial, 10 à 15 % de la production, soit 200 à 300 tonnes par an, ne sont pas extraits par les grandes entreprises minières, mais par quelque 15 millions de petits mineurs artisanaux travaillant souvent dans l'illégalité, car les autorités leur octroient rarement une concession.

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