Colombie: les musulmans de Medellin, une communauté comme une autre

La Colombie est, dans sa grande majorité, de confession catholique. Mais depuis quelques années, la communauté musulmane ne cesse de croître. Parmi les 10 000 à 14 000 pratiquants estimés dans le pays, selon une étude de Pew Research Center, la majeure partie est constituée de Colombiens convertis à l'islam. La plus grosse mosquée du pays se trouve sur la côte nord à Maicao. C'est aussi la deuxième plus grande d'Amérique latine. A Medellin, les musulmans se sont regroupés dans un centre culturel islamique qui sert de mosquée, école de langue et théologique. Les réactions des Colombiens sont nuancées à l'égard cette communauté.

De notre correspondante à Medellin,

Les premiers musulmans ont foulé les terres colombiennes au XVIe siècle avec l'arrivée des Maures d'Espagne et des esclaves africains. La présence actuelle des musulmans en Colombie et en Amérique latine est liée aux mouvements migratoires en provenance du Moyen-Orient, vers la fin du XIXe siècle, principalement des Arabes qui se trouvaient dans les zones de l'empire Ottoman. La majorité des musulmans sont installés à Bogota, Cali, Pasto, Buenaventura, Cartagena, Barranquilla, Santa Marta, Bucaramanga, Cucuta, Pereira et l'île de San Andres.

D'après l'imam Ahmad Dazuki, la communauté musulmane de Medellin représente 300 personnes. L'homme d'une soixantaine d'années officie tous les vendredis dans une petite maison de deux étages aménagée en mosquée et école dans le quartier de Belen au sud de la ville. Imam depuis quatorze ans, ce Libanais, musulman de génération en génération, est arrivé en Colombie à l'âge de 17 ans. Il s'est marié avec une Colombienne et a cinq enfants.

Musulman n'est pas synonyme d'Arabe

Il assure qu'il n'y a pas de problème quant à la pratique de l'islam dans le pays. « Les gens sont accueillants. 95 % des musulmans de cette mosquée sont Colombiens. Arabe n'est pas synonyme de musulman. Musulman n'est pas synonyme d'Arabe. Il y a des musulmans dans toutes les cultures et sociétés. »

« Les autorités nous invitent aux festivités de la ville. On fait aussi des présentations dans les lycées et universités pour expliquer ce qu'est l'islam. (…) En Europe, il y a une méfiance. Personne ne pensait que l'islam s'étendrait ainsi. Par exemple, à Londres, vous avez plus de 1 000 mosquées. »

Des réactions parfois agressives

Dans un pays réputé pour son machisme et ses jolies femmes, il n'est pas évident pour les femmes musulmanes d'expliquer le choix de porter le voile ou le djelbeb (tenue religieuse ample qui couvre les formes). Ce vêtement fait réagir. Claudia Osorio Jaramillo s'est convertie en janvier dernier car l'islam aime « également Jésus et Marie et que c'est une religion monothéiste ».

La Colombienne de 23 ans a étudié le Coran durant un an avant de faire sa profession de foi. Dans sa famille, elle est l'unique musulmane. « Ma mère a trouvé que mon choix était curieux. Mon père pensait que je voulais attirer l'attention. Ils me respectent, mais pour ma mère, qui est une grande chrétienne, ça a été très dur. Elle fait tout pour que je renonce à ma décision. J'ai parfois des commentaires agressifs de sa part. »

Tentative de dissuasion

Si elle n'a pas connu de mauvaises expériences, elle avoue que ce n'est pas le cas pour toutes. « Je n'ai eu que des personnes curieuses. Tout le monde croit que je suis Arabe. Ils me demandent pourquoi je porte un voile, pourquoi j'ai ce vêtement, si les hommes maltraitent les femmes... Les gens sont respectueux. Mais certaines de mes amies ont reçu des expressions insultantes dans la rue. Des gens se sont moqués d'elles. »

« Je me sens libre car je pratique l'islam comme je veux. Personne ne me dit comment m'habiller. Les autorités ne me rejettent pas. Mais c'est bizarre quand tu vis dans un pays chrétien et catholique. Les voisins ou personnes qui vivent proches de toi, tentent de te mettre la pression et te faire sortir de l'islam. Ils tentent de t'influencer. Certains te rejettent. »

Condamnation du terrorisme

Même épargnés par les évènements terroristes sur leur territoire, les musulmans colombiens se sentent visés par ce thème. L'imam Ahmad Dazuki est direct. Outre la condamnation, il refuse tout lien avec la religion. « Les terroristes ne sont pas des musulmans. Ils utilisent la religion pour un bénéfice personnel. Un vrai musulman n'utilise rien pour son bénéfice propre. C'est plus de la politique que la religion. »

Ahmad explique que la communauté musulmane de Medelllin « fait des manifestations contre cela. L'islam est paix. Dès la salutation, on dit “Salam aleikoum” qui veut dire “Que la paix soit avec vous”. Un musulman ne pourra jamais être un terroriste. Un terroriste ne se sera jamais un musulman ».

Pour aller plus loin :

L'étude du Pew Research Center sur le nombre de musulmans en Colombie

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