Thé vert et confiture, quand France et Japon cuisinent de conserve

A la Maison du Japon, deux femmes, l’une Japonaise l’autre Française, présentaient le fruit de leur artisanat. Avec poésie et gourmandise, le thé vert a communié avec la confiture dans une célébration étonnante. On y a découvert qu'avec des pots de confiture on peut devenir célèbre au Japon ! Des recettes de confitures à base de thé, qui sont de véritables invitations au voyage.

A la Maison de la culture du Japon à Paris, une jeune Japonaise vient doucement présenter deux pots de confiture à dédicacer àla boulangère-pâtissière Christine Ferber, qui s'exécute avec gentillesse. Puis, le temps d’une photo, la jeune femme se colle contre son idole avec une affection touchante et soudain, pleure d’émotion dans les bras bienveillants de la confiturière. Cela ne s’invente pas, on peut pleurer d’émoi devant la délicatesse offerte d’un pot de confiture… Mais on peut s’étonner toutefois qu’une pâtissière alsacienne soit adulée comme une star à la Maison de la culture du Japon à Paris ; elle était venue pour l’inauguration d’une nouvelle boutique célébrant des produits japonais d’excellence.

« Avec le thé hojicha, j’ai tout de suite pensé à la confiture de pommes »

On a fini par comprendre que les pots de confiture réalisés par Christine Ferber, quatrième génération de boulangers-pâtissiers à Niedermorschwihr, un petit village niché au cœur du vignoble alsacien, ont de sérieux points communs avec la plus vieille boutique de thé japonaise de Kyoto : Ippodo. « Quand j’ai dégusté le thé hojicha, j’ai tout de suite pensé à la confiture de pommes », explique avec douceur Christine Ferber. Puis elle ajoute : « Avec le parfum maritime du thé gyokuro, sa fraîcheur et sa finesse, je me suis dit que je pourrais l’accommoder à l’aigre doux d’une confiture d'oignons rouges aux poires. » Les saveurs se succèdent sur le déroulé impeccable des phrases de la confiturière et le sourire sur le visage de Miyako Watanabe, épouse du propriétaire du magasin Ippodo, s'épanouit à l’écoute des explications de Christine Ferber qui s'ingénie à magnifier les sélections de thé de sa vénérable boutique. De cette confiture-là, on peut sans scrupules en faire des tartines !

Les secrets du succès de la confiture au Japon expliqués par Christine Ferber

La chaîne de télévision japonaise NHK a d'ailleurs consacré plusieurs émissions culinaires au travail réalisé par Christine Ferber autour des confitures et de la boulangerie-pâtisserie dans son village alsacien. Car la confiture est presque un produit exotique pour ce Pays du soleil levant plutôt adepte de la pâte de haricots rouges qu’on étale dans un dorayaki. Le palais des Japonais est moins habitué à s’enthousiasmer pour les produits sucrés. Mais quand l’excellence des réalisations de Christine Ferber a été reconnue par la galerie marchande renommée japonaise Isetan Mitsukoshi, la boulangère-pâtissière alsacienne a su donner goût à la confiture aux Japonais. Sans oublier les saveurs traditionnelles spécifiques à ce pays, à en devenir un petit peu japonaise elle-même ?

La cérémonie du thé, intrigante et essentielle

Comme bien souvent dans l’excellence japonaise, que ce soit en cuisine ou ailleurs, tout se déroule de manière esthétique et fluide. Un peu comme durant la cérémonie du thé, qui allie dégustation et raffinement, et demeure sans nul doute un des moments les plus intrigants et essentiels de la culture japonaise. « Il faut voir la cérémonie du thé comme un apprentissage personnel, c’est quelque chose qui enrichit le soi pour la vie de tous les jours. La cérémonie du thé apaise », dit Miyako Watanabe.

On s’éloigne du folklore de la mythique cérémonie des samouraïs, levés aux aurores pour partir au combat, dégustant une dernière gorgée de thé vert comme si elle devait être la dernière. Avec générosité, Miyako Watanabe explique : « Le fait de faire du thé autour d’une théière est un moment pour soi mais aussi pour l’autre… » La cérémonie du thé n’en demeure pas moins quasi hypnotique dans ces gestes répétés inlassablement, jusqu’à la plénitude. Miyako Watanabe ajoute que le thé, « ce n’est pas seulement la cérémonie, mais aussi quelque chose dont on se réjouit au quotidien. » La qualité y a donc une extrême importance : « Dans notre maison de thé à Kyoto, on ne travaille que des thés de notre région. » Car il n’y a pas que le thé matcha mais aussi le thé sencha, le gyokuro ou encore le thé genmaicha au goût particulier de grains de riz soufflés.

« La réussite du mariage se découvre à la dégustation ! »

Mais replongeons-nous dans le chaudron à confiture. « Avec l’odeur de fumet du thé iribancha, j’ai tout de suite pensé au cassis », s’amuse Christine Ferber qui semble prendre un malin plaisir à faire s’étonner et voyager les papilles des dégustateurs. Savoir accommoder des saveurs étrangères n’est pas un pari simple. Christine Ferber dans ses paroles comme ses réalisations en devient philosophe. Elle parle de « mariage heureux quand on sait reconnaître les goûts de chaque ingrédient. » Selon elle, « c’est à ce moment-là qu’on distingue la réussite du mariage et c’est à découvrir au moment de la dégustation ! » Le sens de la vie n’est pas tant éloigné de celui d’un pot de confiture. Avec quelques secrets en cuisine comme toujours... « Le secret, c'est le temps, explique Christine Ferber. Tout est dans la patience qu'on accorde à la confection d'un produit et le temps ne compte pas. » Le chocolatier Jean-Paul Hévin, son voisin de table, glisse : « C’est aussi grâce à la fraîcheur des fruits que tu sélectionnes. » « Les fruits de mes confitures n’ont pas beaucoup voyagé en effet », sourit Christine Ferber. Il est souvent dit que la confiture n'est bonne que s'il faut monter sur une chaise pour attraper le pot dans le placard. Le voyage intérieur débute dans une cuisine. 


Thé vert mode d’emploi :

Le processus pour obtenir le thé matcha, thé traditionnel de la cérémonie mais aussi bien souvent utilisé en pâtisserie, est délicat. C’est sans nul doute ce qui en fait son caractère d’exception. Par le biais d’un ventilateur, on peut éliminer la rosée du matin sur les feuilles des arbres à thé. Puis, avant la récolte, les champs sont bâchés, protégeant ainsi les feuilles de thé de la brûlure du soleil. Le résultat ? Des feuilles à thé particulièrement vertes chargées en acides aminés qui adoucissent le goût. Ensuite, les feuilles sont pulvérisées de façon délicate dans des canons à air, dans un moment aérien, pour en retirer les nervures et ne conserver que le côté pur et généreux en arômes du vert de la feuille. Le thé gyokuro dégage cette intense sensation maritime et douce, grâce à la même ombre projeté sur les champs avant la récolte, ce qui gonfle sa feuille de chlorophylle. La dégustation peut alors commencer.

Partager :