«Ouragan»: le film qui nous fait vivre le monstre de l'intérieur

Pour la plupart d’entre nous, un ouragan est cette monstruosité météorologique qui détruit tout sur son passage. La télévision nous en donne des images ravageuses : toits arrachés, populations dévastées, décor de fin du monde. Et pourtant, l’ouragan a une histoire, il était même vénéré comme un dieu par les civilisations anciennes. Il a une naissance et une mort, il est le fruit d’une multitude de réactions de mère nature. Dans Ouragan, un documentaire dont la fabrication a duré cinq ans, on entre au cœur du monstre et on en ressort… ébloui. Le film sort en salles le 8 juin.

Prenez trois réalisateurs, deux biologistes et un photographe, bref trois passionnés d’histoire naturelle - Andy Byatt, Cyril Barbançon et Jacqueline Farmer, qui est aussi la productrice - et donnez-leur les rênes d’un rêve fou : faire un film sur un phénomène invisible : le vent. Défi presque impossible, qu’ils vont pourtant relever en nous faisant vivre de l’intérieur la naissance d’un monstre appelé « ouragan ».

D’une simple petite brise dans le Sahara à sa transformation en tempête de sable au Sénégal puis en cyclone au milieu de l’océan, les réalisateurs vont filmer les 18 cyclones qui contribuent à créer Lucy, avec ses vents qui soufflent à 200 km/h et qui plongent les côtes cubaines et américaines dans le chaos. Ils poussent le challenge encore plus loin en tournant tout cela en 3D : caméras lourdes et encombrantes, technologies ultra-avancées au cœur même du phénomène. Cette aventure va durer cinq ans passe par 12 pays avant d’offrir au spectateur un moment de pure extase... terrifiante.

Les équipes de tournage ont affronté le danger pour pénétrer cette puissante machine qui se déchaîne, postées un peu partout le long du chemin qu’emprunte en principe un ouragan pendant trois semaines. Jacqueline Farmer se souvient avoir eu peur plus d’une fois pendant le tournage : « Quand une énorme vague a failli nous emporter dans une rivière d’une petite île des Caraïbes, alors que nous avions toute une équipe de sécurité et même la police autour de nous, les dix secondes pendant lesquelles c’est arrivé ont été très éprouvantes, et on a perdu du matériel… mais on était au cœur de l’action ».

En immersion totale

Et pourtant, nous spectateurs, nous ne verrons pas une goutte de pluie sur l’objectif de la caméra 3D. Devant l’écran géant, derrière nos lunettes ad hoc, nous « vivons » l’ouragan. De l’intérieur, quand il décime les arbres ou rend l’océan fou de rage, avec ses vagues gigantesques qui bousculent les chalutiers, quand il arrache les toits de villages entiers. Mais aussi de l’extérieur, à travers les yeux de tous ceux qui vont croiser l’ouragan. De la petite crevette toute frêle qui se bat face au courant, aux chevaux effrayés par les vents apocalyptiques, des rivières qui se gonflent aux récifs coralliens qui se cassent, du chien seul et hagard qui vogue sur une planche de bois en attendant de trouver un morceau de terre ferme aux hommes prévoyants, puis inquiets, apeurés et finalement tout petit devant la colère du ciel.

« Depuis des millions d’années, ce phénomène d’ouragan détruit des écosystèmes, et tous arrivent à renaître. On voulait montrer cela, et non juste les images de catastrophe sur le monde des humains qu’on nous montre à la télévision. En tant que biologistes, il nous apparaissait indispensable de multiplier les points de vue », explique Jacqueline Farmer. Et puis on voit l’ouragan de l’espace grâce aux satellites de la NASA qui a collaboré au projet. Des images apaisantes, car dans l’œil du cyclone, c’est le calme total. « Deux de mes collègues ont réussi à entrer dans l’œil du cyclone et m’ont raconté que c’était une expérience presque mystique… Passer de l’enfer des vents à 200 km/h à une sorte de tranquillité paradisiaque où le soleil brille… »

Une leçon de mère nature

Si les images nous saisissent, le son nous percute. Parfois avec fracas au milieu de la tempête, parfois avec douceur grâce à la musique de Yann Tiersen qui nous ramène, comme à son habitude, à l’essence du monde. Loin du film catastrophe hollywoodien, ce documentaire qui a même l’audace d’utiliser des textes méconnus de Victor Hugo dans son commentaire (lu avec fougue et conviction par Romane Borhinger) est plus qu’un simple témoin d’une catastrophe naturelle.

« Nous avons voulu montrer que cette beauté effrayante, destructrice et mortelle révèle aussi l’immense leçon que donne la vie : regarder les choses en profondeur, voir l’espoir jaillir du chaos, réaliser que l’adversité forme la force, observer que de l’horreur de cette tempête naît la vie », explique en substance l’équipe du film. Reste que les spectateurs sortent de la salle époustouflés mais fragiles, voire meurtris. On pense à ceux qui ont tout perdu. Et même si on ne peut pas lutter contre les éléments, on en veut à cette mère nature sans concession.

Partager :