L’avocat Frank Berton a affirmé avoir beaucoup hésité avant d’accepter de défendre Salah Abdeslam. Il a d’abord demandé l’avis de ses proches et de son cabinet. Il a aussi voulu rencontrer Salah Abdeslam. Il s’est entretenu avec lui le 22 avril, et Salah Abdeslam lui a « assuré qu’il expliquerait un certain nombre de choses », en particulier sur l’organisation des attentats du 13 novembre. Frank Berton a alors décidé d’accepter de le défendre devant la justice française.
Pour la défense de Salah Abdeslam, Frank Berton, 53 ans, sait qu’il s’apprête à « relever le plus grand défi de sa carrière », comme l’explique à l'Agence France-Presse, Jean-Luc Romero, ancien président du comité de soutien à Florence Cassez, pour laquelle Me Berton a contribué à la défense.
Admis au barreau de Lille en 1989, spécialisé dans le droit pénal et le droit de la presse, Frank Berton, natif d’Amiens, a eu une enfance difficile, avec un père violent. Il voulait devenir avocat pour aider les « personnes dans le pétrin ». « Les défis, il adore ça, assure Jean-Luc Romero, également élu parisien et conseiller régional (apparenté PS). C’est quelqu’un qui a le sens du rôle de l’avocat, et dans une démocratie, il faut aussi des avocats pour défendre des terroristes présumés, même s’il sait qu’il va prendre des coups et des risques en défendant celui qui est considéré comme l’ennemi public numéro 1. »
Un avocat aguerri aux affaires judiciaires médiatiques
Avant ce procès, Frank Berton s’est illustré dans plusieurs affaires judiciaires majeures. Sa première affaire médiatisée a été la défense, en 1999, de Smaïn Aït Ali Belkacem, un des terroristes islamistes impliqué dans les attentats à Paris en 1995. Berton avait finalement renoncé à le défendre lorsque ce dernier était revenu sur ses aveux. En matière de terrorisme, il a également défendu une famille de victimes de l’attentat de Marrakech (Maroc) de 2011.
Dans l’affaire d’Outreau, qui constitue son révélateur médiatique, il permet l’acquittement d’Odile Marécaux, de Frank Lavier et de Daniel Legrand fils. Frank Berton a également participé à la défense de Jacqueline Ponthieux, accusée de complicité d’assassinat de son mari Gérard Ponthieux. Ce cafetier de Nogent-sur-Oise, ville du nord de la France, a été tué chez lui par un cambrioleur dans la nuit du 21 au 22 septembre 1997. Sa femme Jacqueline est le seul témoin de la scène et, rapidement, les enquêteurs la soupçonnent d’avoir maquillé un crime en cambriolage. Mais, dans une enquête mal ficelée, avec des expertises qui se révèlent erronées, Jacqueline a toujours clamé son innocence et est finalement acquittée en 2010, après quatre procès.
Frank Berton a aussi défendu le groupe Ramery, propriétaire de la controversée ferme des mille vaches, après des dégradations de l’exploitation durant le chantier. En 2015, il défend Dominique Cottrez, la mère accusée de la plus grave affaire d’infanticide jamais jugée en France. Dans ce dossier terrible, « il a été d’un grand professionnalisme du début à la fin, témoigne à l’AFP un magistrat douaisien. Tout le monde a été surpris » par l’aveu de l’accusée qu’elle avait menti en affirmant avoir été violée par son père pendant son enfance. Dominique Cottrez n’a finalement été condamnée qu’à neuf ans de prison après avoir été reconnue coupable des meurtres de huit de ses nouveau-nés.
« Je défends un homme qui est accusé d’actes odieux »
En devenant l’avocat français de Salah Abdeslam, Frank Berton est conscient qu’il défendra « l’ennemi public numéro 1 ». « Je défends un homme qui est accusé d’actes odieux », a déclaré Frank Berton. A La Voix du Nord, Frank Berton explique : « Nous sommes dans une République, dans une démocratie. Chacun a droit à une défense. Et Salah Abdeslam doit être défendu. »
Mis en examen notamment pour assassinats en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs, Salah Abdeslam est incarcéré en détention provisoire à Fleury-Mérogis (Essonne). Il sera entendu le 20 mai. « Il est à la fois dans une volonté d’explication et, je pense, de collaboration avec la justice française », selon Frank Berton.