Ouganda: les «crime preventers» inquiètent des ONG et des associations

Appels sur l'actualité nous emmène en Ouganda où, depuis plusieurs mois, la police recrute des centaines de « crime preventers », des empêcheurs de crimes, afin de les seconder et de les aider à maintenir l’ordre dans le pays pendant les élections qui ont débuté ce 18 février. Les ONG et associations s’inquiètent du rôle qu’ils pourraient avoir pendant cette période électorale. Majoritairement affiliés au NRM, le parti présidentiel, sur le papier ils ont tout d’une milice politique.

De notre correspondante à Kampala,

Qui sont ces « empêcheurs de crimes » et quel est leur rôle ?

Ces « crime preventers », comme on dit en Ouganda, sont recrutés par la police. Cette dernière affirme ne pas avoir suffisamment de personnel pour assurer le bon déroulement des élections. La police évalue ses forces à 45 000 officiers, qui doivent être renforcées par ces « empêcheurs de crimes ».

Ces derniers sont donc recrutés comme des auxiliaires de police pour l’aider à maintenir le calme dans le pays pendant la période électorale. Ils ont pour mission d’avertir les forces de l’ordre en cas de crime ou de délit… Ils peuvent alors collecter des indices sur les lieux, retenir les témoins et les possibles criminels. La police affirme que ces « empêcheurs de crimes » sont formés à l’autodéfense, à l’idéologie, au patriotisme et aux techniques de prévention de la criminalité.

Il est difficile de savoir qui sont ces recrues précisément. Il n’existe pas de rapport détaillé. Pour avoir assisté à l’un de leurs entraînements à Kampala, sur les 150 environ qui étaient présents, la majorité était des jeunes, surtout des hommes mais il y avait aussi des femmes. Et un bon nombre semble de condition modeste, voire très modeste.

D’autre part, il faut noter que ces « empêcheurs de crimes » sont très méfiants et contrôlent de près leur communication. RFI a fait plusieurs demandes par les voies officielles pour assister à leurs activités et rencontrer les responsables, sans succès.

Combien sont les « empêcheurs de crimes » ?

En ce qui concerne leur nombre, il est là aussi difficile d’avoir des certitudes. La police a annoncé avoir pour objectif de recruter 30 personnes par village. Ce qui monterait leur nombre à 1,6 million, dans ce pays qui compte 36 millions d’habitants. Il est compliqué de confirmer que ce chiffre ait été atteint et il faut donc rester prudent, mais une source du côté des forces de l’ordre tend tout de même à confirmer ces statistiques.

Que dénoncent les associations et ONG ?

Les inquiétudes des associations et ONG sont de plusieurs ordres. La première vient du fait que ces « empêcheurs de crimes » sont très fortement liés au camp présidentiel, le NRM. Cet enrôlement fait de partisans d’un unique camp donne des allures de milice politique à ce groupe, qui a pour objectif initial d’assurer un scrutin calme et sûr. Les organisations craignent donc notamment qu’en cas de litiges dans les urnes, que cette force civile prenne position pour le président au pouvoir.

Il faut noter au passage que d’autres partis politiques recrutent des forces assimilables à des milices. Le candidat Besigye a, par exemple, formé un groupe appelé « Power 10 ».

La deuxième inquiétude vient de la capacité de ce groupe à influencer le vote en amont. Plusieurs cas ont déjà été dénoncés. Les « empêcheurs de crimes » ont fait dans certaines localités du porte-à-porte afin d’impressionner les électeurs et leur forcer la main dans leur choix électoral.

Enfin, il est évident qu’avec une force potentielle de plus d’un million de personnes, la capacité de violence d’un tel groupe est questionnée. S’ils ne sont pas détenteurs d’armes à feu, insistent les forces de police, ces « empêcheurs de crimes » ont néanmoins reçu un entraînement et possèdent de gros bâtons pouvant causer d’importants dégâts. C’est surtout la force du nombre qui inquiète les différentes organisations. Une alerte a été publiée de manière commune à la mi-janvier par cinq organisations, dont Human Rights Watch et Amnesty International, qui demandent la suspension de ce programme.

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