Pourquoi Onesphore Rwabukombe a-t-il été jugé en Allemagne et pas par le Tribunal pénal international pour le Rwanda ?
C'est en vertu de ce qu'on appelle la « compétence universelle » qui autorise les tribunaux nationaux à juger les crimes les plus importants dont ceux de génocide et de crimes contre l'humanité. Il faut savoir que le Tribunal pénal international pour le Rwanda, dont le mandat vient de s'achever le 1er janvier, a jugé en priorité́ les plus hauts responsables rwandais au moment du génocide. Le procureur du TPIR invitait les tribunaux des pays où les présumés génocidaires se trouvent à les juger. Pour le cas d'Onesphore Rwabukombe, la justice allemande a été saisie, et donc le procureur du TPIR a décidé de ne pas exercer sa compétence. C'était déjà arrivé en France pour le cas fameux d'un autre Rwandais, Pascal Simbikangwa, condamné à Paris en 2014. Dans le même temps, les demandes d'extradition d’Onesphore Rwabukombe envoyées par la justice rwandaise ont été rejetées par les juges allemands qui estimaient que l’accusé ne bénéficierait pas d'un procès juste au Rwanda. Voilà pourquoi son procès a eu lieu en Allemagne.
Pourquoi n'est-il jugé que maintenant, vingt ans après ?
En réalité, Onesphore Rwabukombe est dans le collimateur de la justice allemande depuis 2008. L’homme est réfugié politique en Allemagne depuis six ans lorsqu'il est arrêté, car il se trouve sur la liste des personnes recherchées par Interpol. Relâché faute de preuves, il est arrêté une seconde fois en 2010, et condamné en 2014 à quatorze ans de prison pour complicité dans le génocide au Rwanda. Mais, en mai 2015, la Cour fédérale de Karlsruhe, qui avait écouté plus de 100 témoins et également des rapports d'enquêteurs spéciaux envoyés sur place au Rwanda, rend ses conclusions. Onesphore Rwabukombe a tenu en fait un rôle actif dans le génocide. C'est pour cette raison qu'il a été condamné à perpétuité fin décembre 2015. De manière générale, les enquêtes concernant le génocide rwandais demandent du temps. Il faut repérer les accusés dont nombre se sont réfugiés en Europe. Ensuite, il est long de trouver les témoins au Rwanda, recueillir leurs paroles, parfois contradictoires car ces personnes peuvent être soumises à des pressions. L’envoi d’enquêteurs spécialisés sur place allonge également les procédures. Bien sûr, la nature même du crime complique le processus : il s’agit de prouver qu’existait chez l'accusé une volonté délibérée de détruire, entièrement ou en partie, un groupe, en l'occurrence les Tutsis. C’est la définition du génocide.
Comment le gouvernement rwandais a réagi à cette condamnation ?
C'est par un tweet de Louise Mushikiwabo, la ministre des Affaires étrangères du Rwanda, que le gouvernement a réagi. Dans ce tweet, elle dit : « Beaucoup de Rwandais apprécient le cadeau judiciaire de l'Allemagne en ces temps de vacances » car le jugement est tombé le 30 décembre. Le Rwanda dont la justice avait vu ses demandes d'extradition rejetées par l'Allemagne est donc satisfait de cette sentence, la réclusion criminelle à perpétuité.