Fille de médecins, Loza Maléombho est née voilà 30 ans au Brésil et a été élevée entre la Côte d’Ivoire et les Etats-Unis, qui sont restés ses deux ports d’attache. Après avoir lancé sa griffe en 2009 à New York, elle s’est installée en 2012 à Abidjan, la ville de ses parents, pour y ouvrir un atelier et cultiver ses sources d’inspiration « ethniques ». Une mine dans laquelle elle puise avec bonheur, tirant de ses voyages à travers la Côte d’Ivoire et dans la sous-région des matières ou des motifs traditionnels pour un prêt-à-porter destiné aux citadines de toutes origines.
« Aux Etats-Unis, explique-t-elle, je trouvais que j’étais limitée dans mon expression artistique. J’ai voulu revenir sur mes bases africaines et participer à l’exploitation de toutes les matières et produits artisanaux qui existent. » Son atelier forme des femmes et travaille avec des artisans locaux, teinturiers, bijoutiers et cordonniers. Distribuée en Afrique du Sud, au Nigeria et à New York, elle présente ses collections lors des fashion weeks de Lagos, Boston et New York.
Hommage à la femme africaine
La jeune styliste a exposé avec succès une autre facette de sa personnalité en publiant en 2015 sur Instagram des selfies très travaillés, qui font l’objet d’une exposition à la fondation Donwahi pour les arts contemporains à Abidjan.
Elle apparaît sous diverses facettes, Néfertiti égyptienne, Madonne auréolée ou ménagère africaine avec son seau ou sa machine à coudre sur la tête - le tout, avec un piercing dans le nez des plus new-yorkais, qui contribue à brouiller les pistes.
Très vite, ces clichés qu’elle revendique « à conscience sociale » s’imposent comme une sorte de manifeste pour l’estime de soi, l’élégance et une certaine sophistication. Ils font le buzz sur les réseaux sociaux. Elle récolte des milliers de mentions « like » sur Facebook, parmi des Internautes qui s’identifient à sa démarche.
« Noire et fière de l’être »
« J’ai voulu rendre un hommage à la femme africaine qui porte son fardeau de cette manière », explique-t-elle, tout en faisant passer ce message simple : « Noire et fière de l’être ». Un clin d’œil à la fameuse chanson de James Brown, Say it loud - I’m black and proud, écrite en 1968 en pleine lutte pour les droits civiques.
C’est qu’avec Loza Maléombho, l’Afrique n’est jamais très loin des Etats-Unis. Cette
série d’autoportraits a commencé après la bavure policière de Ferguson, en août 2014, qui avait coûté la vie au jeune noir de 18 ans Michael Brown. La créatrice de mode se trouvait alors à New York et a voulu réagir au « désarroi » qu’elle a ressenti dans la communauté africaine-américaine. « Alien Edits est devenu ma manière de protester sur la perception que certaines personnes pouvaient avoir des Noirs ».
Diplômée en infographie et animation à l’université des beaux-arts de Philadelphie, Loza Malhéombo laisse ici libre cours à son imagination dans une série de clichés qui lui ressemblent : exigence, haute qualité et un résultat non dénué d’humour, parce qu’il renvoie par effet miroir tout les excès narcissiques de la vogue actuelle des selfies.
« Alien Edits repose sur le même concept que ma marque, explique-t-elle : mon but est de m’inspirer de la tradition pour la transmettre à notre génération "millénaire" ». En phase avec son époque, la créatrice devrait encore faire parler d’elle en 2016, cette fois pour sa collection printemps-été toute en tons vert, beige, noir et bleu ciel.