En Ethiopie, une école de design qui pousse à innover

L’Ethiopie peut se targuer d’un savoir-faire multiséculaire dans le textile. Mais quand Sara Mohammed a créé son école, il y a onze ans, aucune institution n’enseignait l’art de la mode. Régulièrement, des étrangers venant d’Afrique du Sud, des Etats-Unis, de France, d’Angleterre ou de Mongolie sont invités à donner des formations à la Next School of Designers d’Addis-Abeba. Reportage.

« Cours d’inspiration », ce matin, à la Next School of Designers d’Addis-Abeba. Une quarantaine d’étudiants écoutent religieusement Tsedey présenter ses créations : trois robes aux finitions originales, une dorée, une verte et une mauve. L’ancienne élève explique chaque point, chaque accessoire ajouté, chaque tissu ou motif utilisé.

« Avez-vous déjà vu une telle création ? », interroge Sara Mohammed, la directrice de l’école, qui observe la scène dans l’encadrement de la porte. « Nous ne voulons pas que nos élèves reproduisent des designs existants. Nous voulons qu’ils créent leurs propres motifs. »

Priorité au partage des cultures

L’Ethiopie peut se targuer d’un savoir-faire multiséculaire dans le textile. Mais les coutumes locales ne sont ici qu’une source d’inspiration. Dans sa robe bleue élégante, perchée sur des talons noirs brillants, Tsedey insiste : « En Éthiopie, on utilise le telet, ce coton blanc traditionnel. Moi, je n’en utilise pas. Je veux créer quelque chose de nouveau. Je travaille avec des beaux tissus, faits à la main, pour créer des habits de tous les jours ou des robes de soirée. »

Sara Mohammed renchérit : « Nous travaillons ici avec la mode éthiopienne mais aussi internationale. » Régulièrement, des designers étrangers sont invités à donner des formations. « Pour comprendre la mode, pour s’améliorer, il faut connaître plein de choses : quels tissus sont utilisés dans tel pays ? C’est très important pour nous de partager les cultures », ponctue la créatrice de l’école.

Rekik a 21 ans. Elle a commencé la formation il y a un mois. Pour l’avenir, elle a déjà des projets : « Je rêve de devenir une grande designer. Je ne veux pas rester seulement en Ethiopie. Je veux aller voir ce qui se fait en Europe, aux Etats-Unis, partout… Je veux voir ce que portent les gens. Je voudrais collecter ces idées et créer ensuite mes propres modèles, quelque chose de nouveau, de différent. »

En finir avec le « Made in China »

Quand Sara Mohammed a créé son école, il y a onze ans, aucune institution n’enseignait l’art de la mode. Seuls des instituts de textile apprenaient à filer et coudre. « Ce n’était pas du tout de la mode. On ne parlait pas de couleurs ou de style. Je me suis dit qu’avec le boom économique de l’Éthiopie, le pays aurait besoin de designers. Aujourd’hui, Addis-Abeba a changé. Nous avons beaucoup de créateurs. Nous avons besoin de vêtements de qualité. Ces habits « Made in China », nous n’en voulons plus. Il faut produire du design de qualité, en Éthiopie, pour les Éthiopiens. C’est ça mon rêve. »

La réussite de Lyia Kebede est dans toutes les têtes. La mannequin éthiopienne a lancé sa marque de vêtements Lemlem depuis New York en s’inspirant des traditions éthiopiennes. Senayit, étudiante à la Next School of Designers, est consciente du potentiel de son pays : « Le style éthiopien attire. Il suffit de voir les touristes qui achètent nos étoffes traditionnelles. Si nous repensons le design de nos tissus, de manière plus moderne, nous pouvons vraiment créer de très beaux produits. »

Ils sont 160 à l’école d’Addis-Abeba. Cette année, Sara Mohammed en a créé une seconde dans le quartier de Lebu, en banlieue, pour une centaine d’élèves supplémentaires. Le design séduit de plus en plus de jeunes, surtout les femmes. Mafi, Hiwot Gashaw, ou Fikirte Addis, elle-même passée par l’école de Sara Mohammed : autant de noms qui commencent à percer en Ethiopie !

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