Quelles sont les spécificités du porte-avions Charles-de-Gaulle ?
Le porte-avions Charles-de-Gaulle est le bâtiment amiral de la Marine française. C’est le plus gros bateau, un navire de 42 000 tonnes. Il est à propulsion nucléaire, ce qui lui donne sur le papier une autonomie illimitée. En réalité, son autonomie est limitée par la capacité d’emport de carburant destiné aux avions, d’emport de nourriture pour l’équipage, qui totalise 2 000 hommes. Elle est aussi limitée par les performances des navires qui l’accompagnent car le porte-avions n’est jamais seul. Durant cette mission, il sera accompagné par la frégate de défense aérienne Chevalier Paul, la frégate anti-sous-marine La-Motte-Piquet, d’une frégate multi-missions Aquitaine, du pétrolier ravitailleur Marne, de la frégate britannique HMS Defender, et de la frégate belge Léopold 1er. Il emporte aussi une vingtaine de chasseur-bombardiers Rafale et 8 avions Super-Etendard plus anciens, dont ce sera le dernier déploiement opérationnel. C’est donc une base aérienne, mais une base aérienne « flottante ». Sur le papier, encore, le bâtiment n’est pas soumis aux aléas de la politique internationale. Pour schématiser : si vous êtes en pleine mer, vous faites ce que vous voulez. Si vous voulez baser des avions à terre, il faut pouvoir compter sur des alliés ce qui vous implique davantage car cela passe par des signatures d’accords qui peuvent être très contraignants ou très engageants.
Dans quelles circonstances le porte-avions Charles-de-Gaulle est-il utilisé ?
Le porte-avions est ce que l'on appelle une arme de projection de puissance, c’est-à-dire une arme destinée à être utilisée loin de vos côtes, en cas de crise internationale, pour défendre vos intérêts ou pour effectuer une démonstration de force. L’un des exemples les plus emblématiques, lors de la guerre des Malouines, c’est quand les Anglais ont envoyé leur porte-aéronefs à la reconquête d’un archipel perdu dans l’Atlantique Sud. Il faut savoir que le porte-avions n’est encore aujourd’hui l’apanage que de quelques marines à travers le monde, les Etats-Unis, la France, la Chine, la Russie et l’Inde. La Grande-Bretagne a lancé la fabrication d’un nouveau porte-avions de grande dimension après avoir mis au rebut ses porte-hélicoptères. Le Brésil a racheté le Foch, un ancien porte-avions français.
Qu’en est-il de la flotte française ?
Par mesure d’économie, la France n’a plus qu’un seul porte-avions, le Charles-de-Gaulle. Il s’agit donc d’un évènement quand il est déployé, ce qui est pourtant relativement courant. Le porte-avions était déjà dans le Golfe en début d’année, du 23 février au 18 avril. C’était un message politique vis-à-vis des alliés de la France dans la région du Golfe comme les Emirats arabes unis, le Qatar ou l’Arabie saoudite : La France affirme son engagement à la sécurité régionale. C’est un signal aussi en direction de l’allié américain, puisque les deux marines travaillent de manière très proche dans le Golfe. Après les attentats du 13 novembre, la France envoie également un message de fermeté, même si le départ était programmé avant les évènements de ces derniers jours.
Quelles seront ses principales missions ?
On peut faire beaucoup de chose avec un porte-avions. D’abord sur l’eau, puisque vous savez que le porte-avions n’est pas seul : il est au moins accompagné d’une frégate de défense aérienne, d’une frégate anti-sous-marine, d’un pétrolier ravitailleur et d’un sous-marin nucléaire d’attaque qui est là pour protéger le porte-avions. Tous ces navires peuvent faire de la surveillance et collecter des renseignements sur ce qui se passe sous l’eau, sur l’eau et dans les airs. En l’espèce, cette activité n’est pas directement liée à l’activité de l’organisation Etat islamique. Mais il peut y avoir des informations de contexte, très importantes pour apprécier finement ce qui se passe dans la zone. Par exemple, regarder de près les mouvements aériens dans le nord du Golfe. Vous savez que certains groupes sont ravitaillés par certaines puissances régionales. Celui qui sait quoi regarder peut y trouver des informations.
Qu’en est-il des avions ?
Et puis après bien sur, il y a les avions. Des Rafales surtout, qui pourront être utilisés d’abord pour des missions de reconnaissance et de renseignement, et également pour des frappes programmées sur des objectifs déterminés, des frappes d’opportunités, si la situation évolue subitement, si subitement un ennemi se dévoile pendant le survol d’un avion français ; et enfin pour du soutien aérien aux troupes au sol, particulièrement en Irak. C’est ce qu’on appelle du CAS, Close Air Support, appui aérien rapproché au cas où les troupes alliées seraient en danger, sous le feu de l’ennemi. Bref, c’est à peu près ce que font déjà les avions de l’armée de l’Air basés en Jordanie et aux Emirats arabes unis.
Est-ce que ça va changer la donne ?
La réponse est non, cela ne changera pas la donne. Les experts touchent déjà du doigt les limites de l’action aérienne. Certes, dans le Golfe ou en Méditerranée, les avions du Charles-de-Gaulle auront moins de parcours à faire par rapport à ceux basés aux EAU, et ils pourront donc rester un peu plus longtemps sur la zone d’intérêt en fonction des cibles visées. Mais les Rafales du porte-avions feront les mêmes missions que celles confiés aux Rafales de l’armée de l’Air : près de 275 frappes depuis l’an dernier côté français, ce n’est pas ça qui changé la donne même si après les attentats de Paris, la France a promis d’intensifier ses bombardements. Mais les grands chefs militaires français le rappellent : « L’objectif n’est pas de matraquer l’adversaire par des bombardements massifs », mais de frapper là où il faut quand il faut, avec suffisamment de discernement, pour affaiblir l’organisation, la surprendre, entraver son action, et la rendre de moins en moins efficace.