La tombe de Khentkaous III, une découverte exceptionnelle

Le monde de l’égyptologie est en émoi depuis quelques jours. Une équipe d’archéologues tchèques a découvert la tombe de Khentkaous III. Son nom était jusqu’alors inconnu. Cette reine était l’épouse d’un pharaon de la Ve dynastie. Khentkaous III a vécu en Haute-Egypte il y a quelque 4 500 ans.

C’est sur le site d’Abousir, nécropole royale sinon dynastique où se trouvent de nombreuses pyramides, dans le complexe funéraire de Néferefrê, un pharaon de la Ve dynastie, qu’a été faite la précieuse découverte : la tombe de Khentkaous III. Elle daterait du milieu de la Ve dynastie, soit 2494-2345 avant Jésus-Christ. La reine Khentkaous III, dont le nom figure sur des inscriptions murales, probablement réalisées par les ouvriers qui ont bâti sa tombe, aurait été l’épouse du pharaon Néferefrê.

La transmission de la royauté par les femmes

La tombe de Khentkaous III, entre le Delta et la Moyenne-Egypte, est ainsi un trésor à plusieurs titres pour les archéologues. Sa découverte permet d’avancer « dans le travail de fourmi qu’est celui de la reconstitution des généalogies », note l’égyptologue Nathalie Kayser-Lienhard. Et Khentkaous III est importante pour plusieurs raisons : d’abord parce qu’elle est une épouse royale, donc épouse du dieu, celle qui « véhicule la divine substance à l'enfant royal ». « Selon les informations dont nous disposons pour l’heure - qui sont minimes -, tout laisse donc à penser que Khentkaous III était une épouse royale, et non un pharaon comme l’a pu être Hatchepsout, explique Nathalie Kayser-Lienhard. Mais cela n’enlève en rien l’importance cruciale de cette femme, puisque dans la monarchie, l’épouse a un rôle essentiel ».

Sur le site, situé sur la rive gauche du Nil, en bordure du désert libyque, les archéologues ont également trouvé des ustensiles de la vie quotidienne, vingt-quatre en calcaire et quatre autres en cuivre, ainsi que les inscriptions murales de la tombe. « Les tombes sont le plus souvent pillées, or là des objets ont été découverts dans la tombe, comme les dépôts d’offrandes qui accompagnaient le défunt dans l’au-delà, et c’est d’un intérêt énorme pour l’égyptologie », poursuit Nathalie Kayser-Lienhard.

Un « laboratoire » à ciel ouvert

C’est l'archéologue allemand Ludwig Borchardt qui mena les premiers travaux archéologiques à Abousir, vers 1902-1908. Puis au début des années 1960, après une longue période de sommeil, des archéologues tchécoslovaques puis tchèques exploitent une concession sur le site situé à 25 kilomètres au sud du Caire. Il y a quelques mois, l’un des membres de l’Institut d’égyptologie tchèque confiait qu’Abousir était « saturé de bâtiments et de tombes extraordinaires ».

Abousir est un site miraculeux pour les archéologues. « C’est une sorte de laboratoire pour notre connaissance de l’Ancien Empire et de la Ve dynastie, confie l’égyptologue Alain-Pierre Zivie. On a en effet, sur ce site, un ensemble très bien préservé qui continue à être fouillé et qui ne cesse d’apporter énormément de nouveautés ». Et c’est peu dire au vu des découvertes réalisées depuis des années.

Cette ultime trouvaille « va permettre de nous éclairer sur certains aspects inconnus de la Ve dynastie, qui, avec la IVe, a été témoin de la construction des premières pyramides », a déclaré le ministère égyptien des Antiquités dans un communiqué. « L’originalité de la Ve dynastie, c’est d’avoir mis en place le culte solaire et ses deux temples, dont celui d’Abousir. C’est incontestablement une dynastie à part », analyse Nathalie Kayser-Lienhard. Une dynastie dont l’histoire est racontée dans le célèbre Papyrus Westcar, ou Contes des Magiciens, censé se passer à la cour de Khéops, conservé au musée de Berlin. Ce texte légitime la montée au trône des trois premiers rois de cette dynastie, la théogamie. Selon ce mythe, lors de la conception royale, Amon s'unit à la reine afin de transmettre le sang divin, qui permet d'accréditer l'hérédité du futur pharaon. Ainsi, le dieu prend la place physique du pharaon afin de pouvoir s’unir avec la reine et concevoir ainsi le futur héritier du trône.

C’est aussi à la toute fin de la Ve dynastie, sous le règne d’Ounas, que sont élaborés les Textes des pyramides : un ensemble de formules magiques situées sur le tombeau du roi, destinées à assurer sa survie dans l'au-delà. Les Textes représentent les plus anciens écrits religieux connus à ce jour. Enfin, ajoute l’égyptologue, « les reliefs funéraires de la Ve dynastie, très souvent à thème d'inspiration naturaliste, ont la réputation d'être les plus beaux de l'Ancien Empire ».

Plus d’un siècle de fouilles

Jusqu’à présent, les découvertes de la sépulture d’un médecin de pharaon en 2013 et celle du complexe funéraire de la princesse Chert Nebti et des membres de sa famille, en novembre 2012, étaient considérées comme étant parmi des plus importantes de ces dernières années. A l’époque, le ministre des Antiquités égyptien d’alors, Mohamed Ibrahim, avait confié : « Cette découverte marque le début d'une nouvelle ère dans l'histoire des sépultures d'Abousir et de Sakkarah, après l'exploration de la partie sud de la tombe ».

Aujourd’hui, tout laisse à penser que la donne va changer. « Peut-être même que cette tombe va nous fournir des œuvres d’art tout à fait exceptionnelles. C’est loin d’être terminé. Mais là, c’est un moment important dans cette exploration », se réjouit déjà Alain-Pierre Zivie.

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