Le million d’exemplaires est exceptionnel. En temps normal, le journal satirique n’est publié qu’à 60 000 numéros. Mais, il s’agit là d’un symbole de survie pour Charlie Hebdo, l'expression de la liberté de la presse. Si le maintien de sa publication a été confirmé par l’avocat du journal maître Richard Malka, en revanche son contenu sera allégé de moitié. Ce numéro ne sera composé que de 8 pages au lieu de 16.
Pour garantir sa production, une douzaine de personnes se retrouve vendredi matin dans les locaux du quotidien Libération pour débuter le travail. « Ce sera un numéro de survivants, exclusivement réalisé par les survivants de Charlie », a déclaré l’avocat du journal en ajoutant qu’il sera ainsi « le meilleur moyen de rendre hommage aux morts et de signifier qu'ils ne nous ont pas tués. »
Des journalistes déterminés
Antonio Fischetti, journaliste à Charlie Hebdo depuis dix-sept ans, a échappé à l'attentat. Il aurait dû se trouver dans la salle de conférence de rédaction comme tous les mercredis mais il assistait à des obsèques familiales en Province. Il témoigne sur ses amis disparus et sur l'obligation de continuer à travailler pour que sorte dès la semaine prochaine un nouveau numéro de Charlie Hebdo : « Ils ont dit "On a tué Charlie". Eh bien non ! On va leur montrer qu’ils n’ont pas tué Charlie. Il y a tellement de gens qui nous ont proposé leurs aides. C’est formidable. »
Mobilisation générale de la presse
L'ensemble des médias français s’est réuni pour permettre la parution dès la semaine prochaine de ce nouveau numéro de Charlie Hebdo. Le groupe France Médias Monde (RFI, France 24 et MCD) s'associe bien évidemment à cette initiative.
Louis Dreyfus, le président du directoire du journal Le Monde, affirmait sur l’antenne de RFI que des « moyens financiers, matériels, informatiques, et humains » seraient mis à disposition pour les aider « le temps qu’il faudra pour que le journal continue à paraître et que les tueurs ne puissent jamais avoir l’impression d’avoir réussi à éteindre une voix parmi les voix importantes de la presse française. » Pour Louis Dreyfus, Charlie Hebdo représente « un martyr de la République ». Avec son groupe, il vient en aide « à un martyr de la liberté d’expression et de la presse ».
Déblocage de 500 000 euros d'aide
D’après le quotidien économique Les Echos, un soutien financier de 500 000 euros va être alloué à l’hebdomadaire satirique. Cette somme provient du fond « Presse et pluralisme » et du fond « Innovation numérique de la presse » financé par Google. Par ailleurs, les distributeurs de journaux Presstalis et les Messageries Lyonnaises de presse ont accepté de ne prendre aucune commission sur la sortie de ce numéro.
D'Egypte ou de Russie en passant par la Tunisie et la Chine, les soutiens, financiers ou moraux, arrivent du monde entier. Au Royaume-Uni, le journal The Guardian a annoncé son intention de verser 100 000 livres, soit 128 000 euros, d'aide financière à Charlie Hebdo.
Le gouvernement se joint aussi à l'effort de résistance. La ministre de la Culture, Fleur Pellerin, a annoncé jeudi 8 janvier un travail sur les textes pour permettre le versement d'un soutien dit d'urgence. Il s'agit « d'aides structurelles » d'un montant d'un million d'euros auxquelles le journal satirique n'a pas le droit pour l'instant selon les règles de la presse.
Cet élan de résistance au sein de la presse française avait déjà été exprimé dès mercredi. En réaction à l’attentat meurtrier, des dessins avaient été publiés par la presse et sur internet. Ces images de résistance ont fleuri par la suite à travers le monde : preuve de l'union pour défendre la liberté du crayon.