Pourquoi les recherches pour retrouver les jeunes filles avec l’aide occidentale n’ont-elles rien donné ?
Dans cette affaire, en effet, les puissances occidentales ont prêté main forte au Nigeria. Le Royaume-Uni, la France et Israël ont envoyé des experts pour aider le pays. La Chine a aussi proposé son aide, ainsi que les Etats-Unis. Environ 80 militaires américains ont notamment été envoyés au Tchad pour mener des opérations dites de renseignement, de surveillance, avec des vols de reconnaissance au-dessus du nord du Nigeria et des régions voisines. A quoi se sont ajoutés aux drones des avions-espions et une trentaine de conseillers civils et militaires chargés d’appuyer les forces de sécurité nigérianes. Bref, des moyens importants.
Ce qui a permis de localiser les jeunes filles...
Oui. Publiquement, les autorités nigérianes ont été critiquées pour leur inaction et leur inefficacité dans cette affaire. Dans les faits, elles ont procédé a des recherches sur le terrain. A priori, repérer plus de 200 jeunes filles dans des camions, ce n’était pas compliqué, du moins dans les heures qui ont suivi leur enlèvement. Mais ça ne s'est pas déroulé ainsi. Dans tous les cas, des sources concordantes assurent que les filles ont finalement été repérées. Elles seraient divisées en plusieurs groupes. On sait avec certitude que certaines se trouvent au Nigeria. Il est possible qu’il y en ait également au Cameroun. Le 26 mai dernier, le chef d’état-major de l’armée de l’Air, le maréchal Badeh, avait d’ailleurs déclaré devant des manifestants a Abuja savoir où les jeunes filles se trouvaient. « Nous ne pouvons pas le dire », avait-il ajouté, qualifiant l’opération de « secret militaire ». Il avait précisé que les soldats avaient été confrontés au dilemme d’envoyer des troupes pour libérer les jeunes filles tout en redoutant de faire des victimes. Les autorités ont donc choisi la prudence. Depuis, il n’a plus jamais été question de leur localisation. Probablement parce que des négociations ont été entamées avec certaines factions qui détiennent des lycéennes.
Justement, on a appris que des discussions pour libérer les lycéennes nigérianes enlevées par Boko Haram se poursuivaient au Tchad. Quel est le rôle du Tchad dans ces négociations entre le Nigeria et Boko Haram ?
Le Tchad est tout simplement le médiateur entre des représentants de Boko Haram et les autorités nigérianes. Ces négociations ont été tenues relativement secrètes jusqu’a ce que Moussa Faki Mahammat, le ministre des Affaires étrangères tchadien, le confirme sur nos ondes le 18 octobre dernier. Lors de cet entretien, il avait expliqué que les deux parties avaient pris quasi simultanément l’initiative de cette médiation. Boko Haram aurait, selon lui, d’abord envoyé une correspondance au gouvernement tchadien. A la suite de quoi les autorités nigérianes auraient effectué une demande officielle pour faciliter ce contact. Il y a ensuite eu des entrevues aux mois de juillet-août et fin septembre à Ndjamena. Et selon les autorités nigérianes et tchadiennes, cela a abouti à un cessez-le-feu. Des propos confirmés par des sources sécuritaires qui ont indiqué avoir vu ce document signé par les deux parties. Le document devait servir de base à de futures négociations, dont l'éventuelle libération des lycéennes en contrepartie de la libération d'une vingtaine de prisonniers de Boko Haram. Sauf que le terrain a très vite contredit ces affirmations. La semaine dernière, il y a eu des violences dans l’Etat d’Adamawa, au sud de l’Etat de Borno. Des présumés islamistes se sont emparés des localités de Uba et de Mubi. Puis, vendredi dernier, une nouvelle vidéo d’Abubakar Shekau, le leader du groupe, a été rendue publique. Il y affirmait qu’il n’y avait pas de négociations en cours et que le cessez-le-feu était un « mensonge ». Le tout accompagné, lundi, d’une nouvelle flambée de violences. Une procession de fidèles célébrants l’Ashura a été visée a Potiskum dans l’Etat de Yobe. Cela ne veut pas dire que les autorités n'ont pas tenté de négocier. Mais il y a clairement un problème d’interlocuteur. Ce qui montre à quel point Boko Haram n’est pas une entité centralisée, mais qu’il y a bel et bien de nombreuses factions et des intérêts divergents.