A New York, le monde est partout… et à chaque coin de rue ! Dans ce village global par excellence où, aujourd’hui, plus d’un tiers des habitants est né à l’étranger, toutes les cultures, les communautés et les langues se rencontrent sans forcément se mélanger. Les New-Yorkais d’origine étrangère gardent vivantes sur plusieurs générations leur culture tout en étant pleinement américains. Pour le voyageur, l’expérience demeure inédite et invite au vagabondage, de bouts du monde en bouts du monde, de gratte-ciels en brownstones.
L’immigration est inscrite dans l’ADN de la ville. Les premiers habitants de New York, les seuls vrais autochtones, sont les Indiens Lenapes. En 1624, les Hollandais débarquent et fondent la Nouvelle Amsterdam sur l’île de Manhattan. Quarante ans plus tard, en 1664, les Anglais conquièrent cette terre et la baptisent New York. Au XVIIIème siècle, les Irlandais poussés par la famine immigrent en masse en Amérique du Nord. Premier port du monde en 1820, la cité s’ouvre alors à d’autres vagues d’immigration de plus en plus nombreuses : Allemands, Hongrois, Russes, Polonais, Grecs, Turcs, Italiens, etc.
Aujourd’hui, en balade dans la Grosse Pomme, on est saisi et emporté par ce « melting-pot » typiquement new-yorkais. Des lieux rendent hommage au passé héroïque des migrants venus du vieux continent au XIXème et XXème siècles. La ville affiche à chaque coin de rue et sur tous les visages sa dimension multiculturelle.
Des lieux dédiés à la mémoire des premiers migrants
Si le passé migratoire de New York peut se lire dans la géographie même de la ville, notamment dans ses différents quartiers baptisés en fonction des communautés qui jadis s’y sont concentrées, il se retrouve surtout dans deux lieux incontournables, dédiés à la mémoire des premiers migrants : Ellis Island et le Tenement Museum.
Au mitan du XIXe, New York incarne la ville où tout est possible. C’est la porte de l’Amérique, la cité où tous les damnés du vieux continent pourront devenir les pionniers d’un nouveau monde.
L’emblème de cette ouverture c’est Ellis Island, une île située à l'embouchure de l'Hudson à côté de l’îlot qui abrite la statue de la Liberté.
Dès 1892, les autorités américaines y ouvrent un centre d’immigration. Jusqu’en 1924, date à laquelle les Etats-Unis instaurent des quotas très restrictifs, près de 16 millions d’immigrés passent ici. Ce centre d’immigration a succédé à Fort Clinton ou Castle Clinton, situé à Battery Park, à l’extrême sud de Manhattan. C’est là qu’entre 1855 et 1890, débarquaient les nouveaux arrivants dans un chaos relatif.
Ellis Island a été construit pour accueillir des vagues de migrants en masse : près de 10 000 par jour. Sur plus de 11 hectares, le site a été pensé comme une ville, avec tous les services nécessaires à son autosuffisance: hôpital, dortoir, cantine, boulangerie… Ce centre reflète l’institutionnalisation de l’immigration américaine. L’élégante et imposante architecture néo-renaissance d’Ellis Island devait faire comprendre aux candidats à l’immigration l’importance et le caractère solennel de cette étape.
L'imposant grand hall central aux allures de hall de gare a notamment vu passer plus de cinq millions d’Italiens, quatre millions d’Irlandais et six millions d’Allemands arrivés au terme d’un long voyage en bateau, à fond de cale, souvent sans aération ou lumière… Fermé en 1954 et transformé en musée national en 1990, Ellis Island retrace les grandes heures de l’immigration américaine et le parcours du combattant des migrants en quête d’Amérique. Les images d’archives de ces migrants débarquant l’air hagard et la mine pâle, un simple baluchon pour tout bagage captent d’emblée l’attention du visiteur. De vieilles valises, des lunettes ou des chaussures exposées dans le grand hall attendent toujours qu’on vienne les chercher...
D’autres photos montrent le quotidien du centre, entre le réfectoire, le dortoir et l’infirmerie, là où se déroulait les tests médicaux. Sur cette île, surnommée l’île des larmes, les officiers d’immigration inscrivaient à la craie une lettre ou une croix sur les manteaux des personnes reconnues inaptes pour raison mentale ou médicale. Cependant, sur les 16 millions d’immigrés venus tenter leur chance à New York, seulement 2% ont été refoulés.
Beaucoup moins connu mais tout aussi émouvant, le Tenement Museum raconte le quotidien des migrants installés à New York entre la fin du XIXe siècle et les années 1920. Situé au Sud de Manhattan, dans le Lower East Side, passage obligé des immigrants à l’époque, ce musée offre aux visiteurs un curieux et passionnant voyage dans le temps et l’histoire : au cœur de la vie d’un « Tenement ».
Le « Tenement » reste le symbole urbain de la vie des nouveaux arrivants à New York. C'est un petit immeuble de briques de quatre ou cinq étages, avec des escaliers métalliques de secours en façade, où vivaient les familles immigrées, dans des appartements locatifs.
Au numéro 97 Orchard Street, un de ces Tenements a traversé le temps et conservé intacts ses décors de la fin du XIXème siècle pour devenir en 1988 un musée d’atmosphère qui conserve dans chacun de ses recoins la trace de ses habitants. Sans eau courante, toilettes, ni gaz d’éclairage, ils survivaient ici dans des conditions souvent misérables, dans des appartements exigus et surpeuplés. Des visites guidées permettent de découvrir des appartements meublés comme celui des Moore, une famille catholique irlandaise arrivée en 1869, celui des Lévine, des juifs polonais débarqués en 1890 ou celui des Baldizzi, des Italiens qui ont vécu à New York de 1928 à 1935. Ici, l’immigration s’incarne à travers les destins courageux voire héroïques. Dans ses décors reconstitués au sein d'appartements dont les murs n'ont pas bougés depuis ces époques. On saisit comment souvent ces tous petits logements de 30 m2 faisaient aussi office d’ateliers de confection de robes, de cigares ou de fleurs en tissus...
Au Tenement Museum, le guide met l’accent sur les logiques communautaires de l’époque. Elles ont façonné les quartiers de la ville à travers de petites Allemagne, Pologne ou Italie tout en participant à l’accueil et à l’intégration des nouveaux arrivants. En plus des appartements, le Tenement Museum montre au sous-sol, un lieu de sociabilité typiquement allemand : le bar de la famille Schneider. Le Tenement Museum propose également des visites thématiques à travers le quartier.
Le Irish Hunger Memorial raconte lui aussi une page fondatrice de l’immigration américaine. C’est une œuvre-paysage contemporaine située à Battery Park City, sur l’Hudson, derrière Tribeca et à deux pas de Ground Zero.
Le visiteur passe d’abord par un couloir sombre déroulant sur ses murs poésies, citations et statistiques sur la grande famine qui ravagea l’Irlande de 1845 à 1852. Cette crise sans précédent est en effet à l’origine de l’exil massif des irlandais aux USA. Puis, le parcours continue à travers le sentier sinueux d’un jardin suspendu évoquant un paysage irlandais déserté, avec des murs de maisons abandonnées. On chemine alors dans un pays vide… Cette œuvre collective, belle et puissante, a été érigée en 2002.
Une mosaïque de quartiers et de communautés
A New York, chaque quartier porte les traces et les signes du brassage et du mélange culturel si typique de cette ville. Il suffit juste de regarder et de tendre l’oreille pour en saisir toute la richesse. Remontons Manhattan du Sud au Nord avant de traverser vers Brooklyn.
Surnommé le « gateway of America » (la Porte de l’Amérique), le Lower East Side a été longtemps marqué par sa population immigrée juive ashkénaze. Aujourd’hui encore, des boutiques comme Russ & Daughters ouvert en 1914 proposent comme d’autres "delicatessen", des poissons fumés ou marinés, des bagels, des gâteaux au fromage ou au pavot et tous les autres plats typiques de la gastronomie juive (179 East Houston Street).
Aujourd’hui, le Lower East Side comme son voisin l’East Village, sont animés par de nombreuses communautés. La variété des lieux de culte témoigne de ce brassage : synagogues, mosquées, églises, temple Hare Krishna... Mais ces quartiers changent et deviennent branchés, très prisés pour leur vie nocturne et leurs boutiques tendance. Victimes de la spéculation immobilière, les nouveaux immigrants sont souvent obligés de quitter les lieux, devenus bien trop chers…
A l’Ouest du Lower East Side, Little Italy porte bien son nom. Dans la première moitié du XXème siècle, les Italiens s'y sont installés ici en masse, en quête d’une vie meilleure. Si l’on veut se faire une image de ce qu’a pu être le quartier pendant ses grandes années, il suffit de regarder les films de Martin Scorsese. Aujourd’hui, force est de constater que le quartier n’a plus rien de très authentique. Les petites rues tranquilles et agréables, entre Mulberry, Broome et Canal street, concentrent encore des restaurants avec des nappes à carreaux rouges et blancs et des serveurs jouant de leur accent italien mais tout cela n’est qu’une Italie de façade. Cependant, il n’est pas rare de croiser un peu plus loin, en dehors des frontières de Little Italy, quelques retraités italiens en train de converser dans un parc, au beau milieu de China Town. Car beaucoup sont nés ici, au sein de ce quartier investi depuis par l’immigration asiatique. Aujourd’hui, finalement, si l’on cherche la culture italienne quelque part à New York, c’est avant tout dans l’assiette qu’on va la trouver : la pizza n’est-elle pas un des éléments de base de la gastronomie new-yorkaise ?
Toujours au sud de Manhattan, et juste en dessous de Little Italy, Chinatown reste par contre très authentique. C’est une véritable enclave chinoise à New York où flotte de curieux parfum de poissons séchés et autres aliments non identifiés. A l’entrée des épiceries, on y voit aussi des seaux remplis de crapauds vivants… à cuisiner évidemment !
On ne peut pas quitter Chinatown sans passer par Columbus Park. Entre les papys joueurs d’échec ou de harpe chinoise et les séances de Tai-Chi en plein air, on se croirait à Pékin, Hong-Kong ou Shanghaï.
A l’opposé de Manhattan, au Nord, après Central Park, Harlem est un autre spot important de la diversité culturelle. Le quartier se divise en deux parties distinctes. Avec ses terrains de baskets, ses sirènes de police, ses mendiants joueurs de trompette ou ses adolescents danseurs de hip-hop, le Harlem afro-américain donne l’impression qu’on y est déjà venu, tant ces images sont familières. Il suffit qu’une vieille Mustang surgisse comme par magie pour que le film commence pour de bon. Mais au delà du décor, cet épicentre de la culture afro-américaine et de la lutte pour l'égalité des droits civiques, connaît actuellement de profondes transformations et devient un quartier dynamique, attrayant et plus ouvert.
Dans la partie Est se développe le Spanish Harlem, de la 96e à la 125e rue. D'abord prisé des immigrants italiens (on parlait alors d’Italian Harlem), le quartier est progressivement devenu celui des Portoricains. De nos jours, on dénombre environ 120 000 Portoricains dans ce qui est le plus grand « barrio » de la côte Est des États-Unis. On les appelle parfois les Nuyorican, par contraction de « New York » et de « Puerto Rican ». Une autre large majorité de ses habitants est d’origine mexicaine. Après avoir longtemps souffert d’une mauvaise réputation d’insécurité pour cause de trafic de drogue et d’affrontements entre communautés, le Spanish Harlem semble bénéficier de la réhabilitation économique et sociale de Harlem côté Ouest.
Aujourd’hui, les guides touristiques promettent à qui veut bien s’y rendre le dépaysement à coup sûr. Et c’est vrai que rien qu’en descendant la 115e rue en fin d’après midi, on se retrouve projeté à quelques milliers de kilomètres de là, du côté Sud du continent américain. Beaucoup de commerces sont ouverts tard le soir. Partout les transistors diffusent des rythmes latinos au milieu des senteurs de nachos et de quesadillas.
C’est un quartier très vivant, où entend plus l’espagnol que l’anglais. Il réserve de jolies surprises nichées dans des endroits insoupçonnés comme le marché de la Marqueta, à deux pas de la station de métro 116 Street. Ce marché couvert, situé sur la 115e rue, sous la ligne du métro aérien, propose des étales de fruits et légumes typiques de la cuisine sud américaine mais aussi une jolie terrasse qui saura ravir le visiteur curieux... et gourmand ! C’est en effet là que se trouve la Hot Bread Kitchen, une entreprise d’insertion sociale de femmes immigrées à New York. Venues du monde entier, ces femmes viennent ici suivre une formation rémunérée en boulangerie qui leur permettra ensuite de monter leur propre affaire. En même temps, ces femmes proposent les recettes traditionnelles de pain de leur pays d’origine. N’hésitez pas à découvrir ce programme mais aussi à déguster une tortilla mexicaine ou un pain traditionnel juif. Car à New-York, le melting pot se fait aussi dans l’assiette.
Encore plus au Nord, à la pointe de l’île de Manhattan, près de la station de métro 190th Street un lieu de pèlerinage étonnant accueille visiteurs et immigrés new-yorkais du monde entier : c’est la Chapelle de Sainte Cabrini. C’est là que repose dans une chasse de verre le corps de Frances Xavier Cabrini, plus connue sous le nom de Sainte-Cabrini, patronne de tous les immigrants. La chapelle de Sainte-Cabrini se trouve à 200 mètres de l’entrée de Fort Tryon Park. Une fois arrivé si haut dans Manhattan, c’est l’occasion d’aller visiter le musée des cloîtres, un des sites les plus insolites et dépaysants de la ville, annexe du Metropolitan Museum.
Plus encore que Manhattan, Brooklyn symbolise aujourd’hui le visage multiculturel de New York avec ses quartiers ethniques et confessionnels. Atlantic Avenue abrite la plus importante communauté arabo-musulmane d’Amérique. Les juifs traditionnalistes se concentrent autour de Borough Park, les Polonais à Greenwood et les Italiens à Bensonhurst, même si de nos jours, le mélange culturel est bien plus large. Crowne Heights est un petit bout des Caraïbes à New York.
Tout au bout des lignes D, Q, N et F, pourquoi ne pas aller voir la mer à Coney Island ? Situé à la pointe sud de Brooklyn et face à l’océan Atlantique, cette ancienne station balnéaire conserve toujours son vieux Luna Park avec ses manèges, sa grande roue surannée, ses attractions foraines et le Cyclone, son fameux grand-huit en bois. Il est ouvert le week-end à la belle saison. Le dimanche, on y croise de très nombreuses familles juives orthodoxes. Il n’est pas rare de voir de jeunes juifs papillotes au vent, la kippa bien arrimé sur la tête, se cramponner aux wagons du Cyclone.
Le célèbre parc d’attractions new-yorkais est situé juste à côté de Brighton Beach, où de nombreux juifs venus d’Ukraine se sont installés fuyant les pogroms et les persécutions nazies. On a surnommé ces confins de Brooklyn « Little Odessa », en référence à la célèbre ville ukrainienne de la mer Noire. C’est à nouveau ici que s’installeront des milliers de juifs russes, suite à la chute de l'ex-Empire Soviétique. En promenade à Brighton Beach, on croise des mamies russes viennent passer des après-midi entiers sur les bancs publics face à la mer, le long de la promenade bordée de restaurants affichant bien évidemment des spécialités russes au menu. C’est encore un autre dépaysement à une petite heure de métro du cœur palpitant de Manhattan.
Allez-y ! A New York, le monde est partout et à portée de main !