« Dès que l’actualité s’emballe, les journalistes en font les frais », explique Lucie Morillon, directrice de la recherche chez Reporters sans frontières. L’année 2013 et le bilan annuel de RSF en témoignent encore. 71 journalistes ont été tués cette année en exerçant leur métier. Quatre sur dix sont tombés sur des terrains de conflits.
« La Syrie, la Somalie et le Pakistan confortent leur position parmi les cinq pays les plus meurtriers pour la profession », indique RSF. Ils sont rejoints cette année par l’Inde, « qui a connu une vague de violence sans précédent », souligne Lucie Morillon, et les Philippines, qui supplantent le Mexique et le Brésil.
Une amélioration de la situation qui cache une autocensure
71, c’est 20% de moins que l’année dernière certes, mais après « l’hécatombe » de l’année 2012, cette baisse est à relativiser. Prenons l’exemple de la Somalie où sept journalistes ont perdu la vie cette année, contre 18 l’année précédente. Dans un pays où les journalistes sont condamnés à exercer leur métier dans un climat de terreur, où les assassinats ciblés sont monnaie courante, beaucoup ont préféré fuir le pays.
Même chose au Mexique. On pourrait se réjouir que le pays ait quitté la tête du classement avec « seulement » deux journalistes tués. « Mais cette diminution révèle surtout que l’autocensure se développe », souligne Lucie Morillon. « Et c’est malheureusement à ce prix que peut se comprendre une baisse toute relative du nombre de morts dans un certain nombre de pays », regrette RSF dans son bilan.
Moins de morts donc, mais plus de journalistes agressés et menacés, selon l’organisation. Les journalistes ont notamment été pris pour cible lors des mouvements de protestation du parc Ghezi en Turquie et, dans une moindre mesure, de la place Maidan en Ukraine. Ils ont également fait les frais des affrontements entre pro et anti-Morsi en Egypte. En Guinée, la période préélectorale a été particulièrement propice aux menaces de tout bord envers les journalistes.
Et à ce jour, selon RSF, au moins 178 journalistes sont emprisonnés dans le monde. La Chine, l’Erythrée, la Turquie, l’Iran et la Syrie demeurent comme l’année dernière, les cinq principaux geôliers du monde pour les journalistes. Les atteintes aux acteurs de l’information et à la liberté d’informer s’exercent donc sous des formes multiples.
Des journalistes de plus en plus exposés aux kidnappings
Mais ce qui ressort particulièrement du bilan 2013, c’est l’explosion du nombre de journalistes enlevés. 87 contre 38 en 2012. Terrains privilégiés de ces enlèvements : la Syrie (49) et la Libye (14). « La Syrie a connu une accélération du rythme des enlèvements cette année. On voit bien que les journalistes deviennent des objectifs stratégiques, que ce soit pour le régime ou pour les groupes armés qui veulent contrôler l’information dans leur zone. Les journalistes servent aussi de monnaie d’échange. »
Des enlèvements qui se systématisent et dissuadent certains journalistes de se rendre sur le terrain. Ce qui pose bien sûr le problème de l’information des populations quand les journalistes n’ont plus le droit de cité dans certaines régions du globe.
Donnée nouvelle en 2013, remarque également la directrice de la recherche à RSF : l’augmentation des enlèvements par des groupes jihadistes liés à al-Qaïda.
Devant ces menaces, les médias internationaux hésitent de plus en plus à envoyer leurs reporters dans les zones difficiles. Ce sont alors souvent les journalistes-citoyens qui prennent le relais. Moins expérimentés, sans protection, ils payent à leur tour un lourd tribut. 39 d’entre eux ont été tués en 2013, la plupart en Syrie.