Partout dans le monde et bien plus qu’ailleurs, en Afrique et en Asie, la population s’entasse dans les villes. Cela se produit forcément au détriment des campagnes pourtant chargées de nourrir de plus en plus d’individus. Cette pression se double d’une menace constante sur les ressources en eau de la planète. Une situation préoccupante pour l’ONU (Organisation des Nations unies) qui met en garde contre le risque de pénurie d’eau « qui menace tous les objectifs majeurs de développement » écrit-elle dans un rapport publié le 12 mars 2012.
Israël / Palestine : la stratégie de l’eau
La rareté de l’eau fait qu’elle devient un enjeu géopolique comme c’est le cas particulièrement entre Israéliens et Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza. Dans ce contexte de stress hydrique comme disent les spécialistes, c’est-à-dire quand existe un déséquilibre entre un capital en eau limité et une consommation en forte croissance, c’est la force d’occupation israélienne qui détient la clé du robinet qu’alimente le Jourdain.
Alors que les zones élevées de Cisjordanie sont dotées d'abondantes ressources en eau, en comparaison au reste du Moyen-Orient remarque l’ONU, Israël ne laisse aux populations palestiniennes que ce qu’elle veut bien, c’est-à-dire pas grand-chose. L’Etat hébreu a fait de l’eau dans la région un « outil militaire », affirme même Mark Zeitoun, spécialiste des questions de gouvernance environnementale à l’université d’East Anglia en Grande-Bretagne.
Un récent rapport d’information pour la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française a provoqué la colère des autorités israéliennes. Le texte présenté par Jean Glavany, ancien ministre de l’Agriculture, décrit la question de l’eau comme « révélatrice d’un nouvel apartheid au Moyen-Orient ». Un terme qui n’a pas été choisi dans un bureau parisien, se défend l’ex-ministre, mais suite à une mission d’une « petite semaine » avec d’autres élus français auprès des ministres israélien et palestinien de l’Eau, des diplomates et des ONG.
A Gaza la situation est différente mais pas plus enviable. L’eau de la nappe phréatique est devenue trop salée suite à sa surexploitation et, par conséquent, elle est impropre à la consommation. Israël fournit en théorie une partie de l’eau potable (environ 5 m3/an) à ce Territoire palestinien sous le contrôle du Hamas. Un accord très fragile comme on l’a vu en novembre lorsque le vice-ministre israélien des Affaires étrangères avait menacé de fermer le robinet d’arrivée vers la bande de Gaza si l’Autorité palestinienne signait un accord de gouvernement avec le Hamas.
La construction d’une usine de dessalement paraît être la bonne solution. Le projet avance et la levée de fonds a commencé justement à l’occasion lors du 6e Forum mondial de l’eau à Marseille où la France a annoncé sa participation à hauteur de 10 millions d’euros. Au total, il faudra 350 millions d’euros pour faire aboutir le projet et l’usine pourrait sortir de terre dans cinq ans, une fois les études de faisabilité bouclées et si les fonds sont réunis. Les Etats du Golfe se sont engagés, selon Matignon, à financer 50% du prix de l’usine alors qu’Israël a assuré qu’il soutenait aussi le projet.
Sauvetage du lac Tchad et du fleuve Niger
En quarante-cinq ans, victime du changement climatique, la superficie du lac Tchad a diminué de 95%. Autant dire qu’il a presque disparu et l’état du fleuve Niger qui assure la survie de 110 millions de personnes n’est guère plus rassurant, surexploité et pollué qu'il est. « Le lac Tchad et le bassin du Niger connaissent les mêmes problèmes » de diminution des ressources, a précisé le président tchadien Idriss Deby Etno devant la presse à Marseille.
Les populations du bassin du Congo « elles aussi ne pourront survivre que si nous arrivons à redonner vie aux bassins du lac Tchad et du Niger », a ajouté le Tchadien. « Nous devons aller très vite pour sauver les populations de 30 millions de personnes sur les rives du lac Tchad », a encore souligné le président tchadien. Le recul des eaux du lac et celles du Niger, aggravé par le réchauffement climatique, met en danger les populations des agriculteurs et éleveurs nomades sur ses rives.
Réunis au sein de l’Autorité du bassin du Niger, neuf chefs d’Etat et de gouvernement se sont engagés à Marseille à tout faire pour améliorer la situation dans leur pays (Burkina Faso, Bénin, Cameroun, Mali, Niger, Nigeria, Tchad, Côte d’Ivoire, Guinée). Une initiative qui laisse cependant sceptique Bakary Koné, le directeur de l’ONG Wetlands International pour le Mali, qui rappelle la Charte de l’eau du bassin du Niger, signée en 2008 et « jamais mise en œuvre »… De son côté, la France a affirmé son soutien financier au projet de sauvetage du lac Tchad : une première tranche de 800 000 euros sera versée sur un total de 12 millions d’euros à terme.
De longs fleuves rarement tranquilles
En Asie, et précisément en Chine, la construction du barrage des Trois-Gorges a déplacé entre deux et quatre millions de personnes, la plupart du temps sans relogement, ni compensation. Mais ce gigantesque ouvrage est pointé du doigt par les populations vivant en amont ou en aval. Près de 1 400 réservoirs dans la province du Hubei ont ainsi été asséchés, affectant l'approvisionnement en eau potable de plus de 300 000 personnes. Nombre de paysans accusent de manière ouverte les Trois-Gorges d’avoir aggravé le phénomène climatique et détournent depuis quelques mois l’eau du barrage.
Egalement conflictuel, un projet de déviation du Rhône dans le sud de la France, destiné à alimenter la ville de Barcelone, suscite la colère et l’inquiétude des agriculteurs français qui redoutent de voir leurs concurrents directs, les paysans espagnols, en bénéficier. En Amérique, la nappe de Guarani, la troisième réserve mondiale d’eau douce souterraine est l’objet de tiraillements politiques entre le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay.
En Amérique du Nord cette fois, les Etats-Unis accusent le Mexique de polluer le Rio Grande et d’ainsi nuire à leurs cultures. De leur côté, les Mexicains reprochent aux Américains de « retenir » la plus grande partie des eaux du Colorado en construisant barrages et canaux. Dans le monde, on dénombre quelque 270 cours d’eau transfrontaliers dont beaucoup sont disputés. Alors que le changement climatique en cours risque d’aggraver les pénuries, il est plus jamais nécessaire, selon l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), d’améliorer la gestion rationnelle de l’eau.