Coronavirus: la situation inquiétante de la Guyane

La menace d'une seconde vague de l'épidémie de Covid-19 semble s'éloigner dans l'Hexagone. Mais deux points noircissent le tableau : Mayotte dans l'océan Indien et la Guyane en Amérique du Sud où, contrairement au reste du territoire français, le virus reste très actif.

La situation est inquiétante au point que le président de la collectivité territoriale, Rodolphe Alexandre, a demandé officiellement jeudi au Premier ministre Édouard Philippe le report du second tour des élections municipales en Guyane, qui doit avoir lieu le 28 juin. Rodolphe Alexandre estime qu'il est incohérent d'appeler les Guyanais aux urnes, alors que le message en vigueur sur le territoire est la limitation des déplacements.

Au niveau national, le conseil scientifique a donné son feu vert pour la tenue du second tour le 28, mais il souligne les risques élevés, liés à l'organisation de la campagne à Mayotte et en Guyane. Le conseil doit donc donner un nouvel avis dans deux jours.

Depuis le déconfinement il y a un mois, le nombre de cas positifs a été multiplié par six, pour passer de 144 mi-mai à 917, au dernier bulletin publié jeudi. Sachant que la Guyane ne compte que 300 000 habitants. Un second décès a été enregistré lundi, par l'Agence régionale de santé, qui alerte d'un prochain afflux de patients dans les hôpitaux. L’ARS de Guyane souligne que l’épidémie ne suit pas le même rythme qu’en métropole.

Des mesures spécifiques

Quand le confinement a été déclenché, à la mi-mai, la Guyane n'avait pas encore connu de première vague. Le territoire ne comptait que dix cas. Il a suivi les mêmes mesures que les autres régions françaises sans pour autant connaître la même situation sanitaire. C’est donc aujourd’hui qu’il fait face à une flambée des cas.

Le préfet de Guyane a dû prendre récemment des décrets spécifiques ; comme le reconfinement des 16 communes touchées, du samedi soir au lundi matin et l’extension du couvre-feu tous les soirs de la semaine. Les services de l’État avaient déjà noté, avant même le déconfinement, un relâchement de la vigilance des Guyanais, comme l’organisation d’une fête, il y a près d’un mois, dans un village à la frontière brésilienne, qui a donné lieu à des cas de contamination.
La situation géographique de la Guyane est d’ailleurs l’une des explications de cette flambée de Covid 19.

L’effet de l’épidémie brésilienne

Pour le directeur de l'Institut Pasteur à Cayenne, en Guyane, la dynamique de l'épidémie au Brésil a un impact certain sur la multiplication des cas en Guyane. Les deux territoires possèdent 730 kilomètres de frontières communes. Or au Brésil, le coronavirus fait des ravages. Plus de 40 000 morts ont été recensés. La frontière est aujourd'hui fermée mais elle est difficile à contrôler. L'activité illégale de recherche d'or attire de nombreux travailleurs étrangers. Ces échanges avec le Brésil mais aussi le Suriname, à l'ouest, s'intensifient généralement au mois de juin. L'Institut Pasteur constate chaque année que la grippe saisonnière connait un pic à cette période. Il craint que le Covid-19 suive la même dynamique.

Les autorités sanitaires guyanaises se préparent à une arrivée massive de patients dans les hôpitaux et dans les cabinets de médecine de villes. Le point positif, c'est que le décalage avec l'Hexagone a permis au territoire de se préparer et va lui permettre de bénéficier de ressources humaines, la réserve sanitaire. Soixante-dix personnes doivent arriver de métropole. Des respirateurs pourront aussi être mis à disposition.

Des équipes locales déjà très sollicitées

Point négatif, les équipes soignantes locales sont déjà très sollicitées par une autre épidémie, celle de la dengue, qui mobilise notamment les services de réanimation et de biologie et le personnel manque déjà partout où il va y avoir de forts besoins.

Les Guyanais doivent par exemple attendre plus d'une semaine avant de pouvoir se faire dépister. Les autorités locales de santé envisagent même des plans d'évacuation sanitaire des patients non-Covid vers les Antilles françaises. L'idée étant de tout faire pour éviter que les services sanitaires du territoire ne soit débordés, comme l'ont été ceux de la métropole.

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