Pour comprendre le climat délétère dans lequel se déroule la campagne pour les élections municipales à Lyon, il faut remonter à 2018 : Gérard Collomb quitte le gouvernement pour retourner à Lyon pour préparer sa réélection. Après trois mandats à la tête de la mairie, il vise la métropole de Lyon, dont le premier scrutin au suffrage universel aura lieu pour la première fois cette année.
Deux camps irréconciliables
Dans sa majorité, certains l'accueillent à bras ouverts, d'autres pensent qu'à 72 ans, il a fait son temps. Son retour précipité divise ses troupes. Les mois de tractations ne donnent rien. ll y a aujourd'hui deux camps... irréconciliables, constate David Kimelfeld, candidat dissident à la métropole de Lyon. « D’avoir au départ une même étiquette ne prouve pas que l’on partage le même projet et aujourd’hui nous n’avons pas le même projet, nous ne poursuivons pas le même objectif, nous n’avons pas les mêmes méthodes. » David Kimelfeld cite en exemple son opposition au projet d’« Anneau des sciences », une autoroute souterraine pour désengorger le centre-ville de Lyon : « Gérard Collomb est aujourd’hui le seul candidat à porter un projet de grande infrastructure autoroutière. Personne n’y croit. Ni l’Europe, ni le gouvernement, ni le Président de la République. Ça fait partie des choses difficiles à concilier. »
Ce sont des divergences de fond - et non de personnes - qui expliquent la rupture entre les deux camps, renchérit un allié de David Kimelfeld, Georges Képénékian, candidat à la ville de Lyon. « Le projet d’Emmanuel Macron était constitué d’une jambe droite et d’une jambe gauche. Peut-être que c’est ce glissement en particulier à Lyon par Gérard Collomb vers une jambe droite plus affirmée, qui amène à ne plus partager tout le même socle de valeur. Moi, je crois que je n’ai pas changé sur ce point, peut-être que lui a changé… »
Macron et son parti impuissants
La dissidence ? « On essaye de faire avec… », minimise Gérard Collomb, maire de Lyon et candidat investi par La République en marche pour la métropole de Lyon. Face aux divisions, Emmanuel Macron n'a rien pu faire. Comme à Paris, son jeune parti ne parvient pas à imposer de discipline. « Il devrait prendre position de manière ferme, regrette Gérard Collomb. Pour les gens, cela créé de la confusion. Moi, je ne suis pas pour l’exclusion [des candidats dissidents], j’ai connu ça par le passé. Je pense que c’est plutôt sur le fait de ne pas avoir tranché en amont (on le voit bien à Paris) et d’avoir laissé partir un certain nombre de ministres et de députés ». En clair, l'ancien ministre accuse le président - dont il est le parrain en politique - d'avoir laissé faire les initiatives individuelles, sans siffler la fin de la récréation.
Dans ce climat délétère, une défaite du camp macroniste - pourtant largement en tête aux dernières élections européennes à Lyon - est possible. « J’ai peur qu’à la fin la politique que nous portons en soit affectée, redoute Yann Cucherat, candidat En marche à la mairie de Lyon et proche de Gérard Collomb. On sent qu’on fragilise les choses. Les Verts montent en puissance. La droite est aussi en train de s’installer. Je suis déçu d’en arriver là et surtout je trouve que l’on renvoie une image très négative de la chose publique à l’égard des Lyonnais, poursuit l’ancien gymnaste, reconverti dans la politique. J’ai beaucoup de mes collègues qui sont investis au quotidien pour défendre les préoccupations des Lyonnais et je ne veux pas que ça soit gâché à cause de quelques individualités. »
Les Verts et la droite en profitent
Les opposants, eux, se frottent les mains, notamment des Verts en pleine ascension, le candidat écologiste Grégory Doucet se fait un plaisir de renvoyer tout le monde dos à dos. « Même si Gérard Collomb et David Kimelfeld se divisent aujourd’hui, c’est la même chose. C’est une division d’hommes. L’un étant à la droite et l’autre à gauche de La République en marche, mais on reste dans un schéma très « République en marche », à savoir qu’on veut bien faire de petits aménagements, on veut bien parler du climat, mais dans la réalité les engagements qui sont pris ne tiennent pas compte de l’ampleur des enjeux. »
À cause de cette guerre fratricide dans le camp des marcheurs, tout devient possible à Lyon : des alliances inédites après le second tour... et pourquoi pas, disent certains observateurs, une majorité introuvable à l'issue du scrutin.