« L’impact du coronavirus n’est pas tellement pour la collection printemps-été, qui est déjà en magasin. Pour les réassorts en cours de saison, cela vient plutôt des marchés, donc d’Europe de l’Est ou du bassin de la Méditerranée », veut d'abord nuancer Yann Petiot, directeur général de l'Alliance du Commerce. Celle-ci représente les grands magasins et enseignes de mode, habillement et chaussures, soit 27 000 points de vente en France et 180 000 salariés.
Mais le dirigeant de l'Alliance du Commerce veut souligner « le vrai problème qui se pose aujourd’hui » : la collection automne-hiver. Elle « commence à être en magasin au moment des soldes d’été, c’est-à-dire, à la fin du mois de juin. » Or pour tenir ce calendrier, « il faut que [ces vêtements] partent de leur lieu de production, c’est-à-dire en Chine ou en Asie, vers la mi-avril », précise Yann Petiot. Or c'est en ce moment que tout se joue : la production est en cours pour la collection automne/hiver. « Donc tout retard qui est pris avec l’arrêt des usines en Chine sera une source de retard pour la livraison des produits pour la prochaine collection. »
Nombreux sont les patrons d'entreprises qui anticipent les solutions de repli pour s'approvisionner autre part qu'en Chine, mais il y a un goulot d'étranglement, pointe Yann Petiot. « Tout le monde se retourne sur les mêmes solutions alternatives, donc il y a un effet d’insuffisance et de capacités, aussi. Et puis, on ne sait pas aujourd’hui où le virus peut se propager, si un autre pays, demain, sera amené à être fermé... Donc il est très difficile, dans ce contexte-là, de prévoir une nouvelle chaîne d’approvisionnement dans des délais aussi courts. »
Baisse drastique de la fréquentation des magasins
Autre effet désastreux du coronavirus pour la mode et l'habillement : le manque de touristes chinois à Paris. Un phénomène renforcé ces derniers jours par l'apparition du Covid-19 sur le territoire français. Dans la capitale, les commerçants du quartier de l'Opéra constatent une baisse de la fréquentation des clients français. Les professionnels du secteur redoutent un mouvement de peur collective.
Exemple rue de la Chaussée d'Antin, une artère commerçante d'ordinaire très animée car elle conduit aux grands magasins. Mais en cette fin de matinée, les promeneurs sont rares. La gérante d'une enseigne de prêt-à-porter se désole. Les clients désertent le quartier depuis le début de l'épidémie.
« Le coronavirus pour nous est un impact énorme, nous confie-t-elle. Les galeries Lafayette aussi, qui est un point très attractif pour la mode, c’est un petit peu désert aussi. Donc toute la Chaussée d’Antin s’en ressent. Vous voyez, depuis ce matin, on n’a eu qu’une personne qui est entrée dans la boutique. »
Normalement, cette gérante voit au quotidien « une vingtaine » de clients. Mais ces jours-ci, c'est plutôt « une personne », ce qui est pour elle « catastrophique ».
Nouvelle crise après les Gilets jaunes et la grève contre la réforme des retraites
Certaines enseignes accusent une baisse de la fréquentation de 30 %. Yann Petiot, directeur général de l'Alliance du Commerce, avertit du risque financier. « Le commerce vit depuis deux ans crise sur crise. Nous avons eu la crise des Gilets jaunes, qui s’est poursuivie tout au début de l’année dernière. On a fini 2019 avec les grèves dans les transports [contre la réforme des retraites NDLR], qui ont repris au mois de janvier… Et là, on re-subit une nouvelle crise avec celle du coronavirus. Donc aujourd’hui, c’est une crise qui s’ajoute à la crise, et donc des difficultés qui s’ajoutent aux difficultés déjà vécues par cette entreprise-là. »
Ce lundi matin, le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a prévenu : « L'impact du coronavirus sur la croissance française sera beaucopu plus significatif ». Mais le ministre a aussi annoncé un soutien du gouvernement aux secteurs touchés par l'épidémie. « Nous ferons preuve d'une solidarité totale vis-à-vis de tous les entrepreneurs qui aujourd'hui sont en première ligne »
Au delà des mesures de soutien annoncées par Bruno Le Maire, le secteur de la mode et de l'habillement demande des dégrèvements de charges pour affronter la crise.
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