Cette unique joute en face à face de la campagne entre les deux chefs de file a rapidement viré au dialogue de sourds, signe de la tension qui anime le match entre le camp d'Emmanuel Macron et celui de Marine Le Pen, au coude-à-coude dans les sondages entre 21 et 24%.
Tout opposait sur le papier Mme Loiseau - ancienne ministre des Affaires européennes, diplomate de formation, âgée de 54 ans - et M. Bardella - conseiller régional d'Ile-de-France, militant dévoué, âgé de 23 ans. La prédiction s'est vérifiée à l'antenne de BFMTV, sur absolument tous les sujets, chacun s'accusant au passage des mêmes maux (« mépris », « condescendance », divulgation de « fake news », « désinformation », « caricature ») à grand renfort de chiffres guère digestes.
L'accrochage le plus vif est intervenu autour de la politique migratoire. « Il faut couper le robinet. Je prône une politique dissuasive », a lancé M. Bardella, en comparant l'agence européenne de garde-frontières Frontex à « une hôtesse d'accueil pour migrants (...) qui finance des campements ». « Je considère qu'il faut rétablir des portes à la maison France » mais « pas un mur, un barbelé, c'est votre caricature », a poursuivi la tête de liste du RN, en appelant à « rompre avec l'espace Schengen ».
Opposition frontale
« Nous devons renforcer les frontières extérieures de l'Union européenne », a plaidé de son côté Mme Loiseau qui veut porter les effectifs de Frontex à 10.000 "dès 2020". L'ancienne ministre des Affaires étrangères a déploré que le RN ait « voté contre quand on a essayé de mettre en place un système qui permet d'identifier à l'entrée de l'Union européenne les demandeurs d'asile ». « Raté on a voté pour, Madame », a rétorqué M. Bardella. Tous les eurodéputés RN se sont en réalité abstenus sur la question lors d'un vote du 24 octobre 2018.
Même opposition frontale sur le traité de libre-échange avec le Canada (CETA) qui selon M. Bardella va « détruire 50.000 emplois dans la filière bovine ». « Les importations de viande canadienne ont baissé et les exportations de produits français, les vins et les spiritueux, les produits laitiers, les voitures, les parfums ont augmenté », a mis en avant Mme Loiseau.
La candidate de la majorité a aussi accusé le Rassemblement national d'implicitement vouloir sortir de l'Union européenne, sans « l'assumer ». « L'Union européenne c'est l'impuissance collective », a souligné M. Bardella. « Je ne veux pas détruire l'Europe mais je considère qu'il faut une Europe des nations et des coopérations », a-t-il précisé, quand Mme Loiseau a dit souhaiter une « Europe de progrès pour préparer l'avenir et pas simplement gérer le déclin ».
En guise de conclusion, M. Bardella a enfin évoqué l'enjeu national de ce scrutin, selon lui : « si Emmanuel Macron arrive en tête de ces élections (...) alors il se sentira légitimé dans l'arrogance qu'il a exprimée à l'égard des Français et évidemment dans la politique qui est la sienne », a-t-il prévenu.